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La réforme du secteur, appuyée par une forte hausse des prix dans les années 2000, a relancé les activités minières en Afrique. Mais pour que leur impact sur la réduction de la pauvreté soit plus important, les gouvernements doivent convertir le capital non renouvelable en compétences et en infrastructures, le mener à participer au développement des affaires. Cela impose d'améliorer à la fois la gouvernance économique et la gestion fiscale.

Le rôle macro économique du secteur minier en Afrique n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui, du fait de la hausse du prix des minerais, depuis le début des années 2000, mais surtout grâce au succès des réformes du secteur qui ont été menées à la fin des années 1980 et 1990. De nombreux pays africains considèrent aujourd'hui les mines comme un possible moteur de leur développement économique ; ils souhaitent décloisonner les projets miniers et mieux les relier à d'autres pans de l'économie, soit directement, soit en assurant une meilleure intégration des infrastructures associées. Il veulent également percevoir une plus grande part des revenus générés par le secteur, en particulier lorsque les prix des revenus sont élevés. Après la phase de nationalisation des années 1960 et 1970, la tendance s'est inversée dans les années 1980 en raison de la libéralisation des marchés et de la mauvaise performance des compagnies minières publiques africaines. Dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, la Banque mondiale a participé à cette époque à la définition de politiques et de réglementations minières destinées à attirer des investissements étrangers directs. À cette époque, le prix des minerais était très bas, depuis près de 20 ans et allait le rester pour encore 15 ans. Les réformes des années 1990 visaient essentiellement à revitaliser le secteur minier, le contrôle de l'État ayant découragé tout nouveau projet de développement ou d'exploration. Les compagnies publiques souffraient d'un manque d'investissements, leurs profits étant réinjectés dans les recettes fiscales du pays. La révision des lois et des réglementations du secteur a été l'un des principaux éléments de ces réformes. Des procédures transparentes et non discrétionnaires ont été mises en place pour l'allocation des droits d'exploration et de production Les droits d'exploration ont été attribués sur la base du principe du « premier venu, premier servi », tout en étant soumis à des conditions de travail minimum, les découvreurs ont pu bénéficier des droits d'exploitation et ont été autorisés à les vendre. Ces réformes ont été complétées par la mise en place d'un régime fiscal stable pour la durée de l'opération ou pour une période définie, de droits de propriété clairement définis et par l'abandon des expropriations.

 

Réforme minière, investissement et croissance

L'évolution des investissements privés dans le secteur minier (Tableau 1) de plusieurs pays africains ayant entrepris des réformes avec le soutien de la Banque mondiale est spectaculaire.

Ces investissements ont entraîné une importante hausse de la croissance du PIB dans plusieurs pays d'Afrique (Tableau 2). Le taux de croissance moyen de 12 pays africains dépendant du secteur minier est passé de 0,3 % dans les années 1990 à 5,7 % dans les années 2000. Bien entendu, la réforme du secteur minier n'est qu'une des grandes réformes parmi celles entreprises par ces pays, néanmoins, ce secteur est celui qui a le plus contribué à la croissance de ces pays.

Ces rebonds de croissance, aussi importants soient-ils, se traduiront-ils par une orientation durable à la hausse ? Les réformes étant récentes, il est difficile de distinguer leurs effets de celui de la hausse des prix de ces dernières années. Quoi qu'il en soit, la contribution du secteur minier devra être évaluée sur sa capacité à favoriser un développement à la fois économique, social et environnemental.

 

Croissance à long terme et développement durable

Un secteur minier important peut jouer un rôle essentiel pour le développement durable d'un pays, premièrement en étant un moteur de la croissance, à travers la création d'entreprises et d'activités industrielles secondaires2, mais aussi à travers les opportunités qu'offrent des infrastructures dédiées, comme les routes, les chemins de fer, les ports et les centrales électriques ; et deuxièmement en utilisant les revenus fiscaux générés par le capital naturel pour produire d'autres formes de capital. Pour de nombreux pays d'Afrique, le secteur minier est le seul secteur à même de relancer l'économie et de générer des revenus fiscaux conséquents. C'est notamment le cas pour le charbon ou pour les métaux de base, comme le cuivre et le minerai de fer, qui demandent des infrastructures importantes pouvant être utilisées pour d'autres activités. Ces infrastructures sont souvent construites, en Afrique, aux frais des compagnies minières privées. Les nouveaux contrats négociés entre les gouvernements et les grandes compagnies minières mettent de plus en plus l'accent sur l'apport en infrastructures – c'est le cas au Mozambique, à Madagascar, en Guinée, en République démocratique du Congo, au Sierra Leone et au Liberia. Les compagnies privées doivent aussi proposer des formations aux populations – afin d'augmenter la proportion de travailleurs locaux impliqués ou bénéficiant indirectement des opérations minières – et de renforcer les capacités des PME locales. Un grand nombre de compagnies se soumettent volontairement à ces exigences, pour développer et maintenir de bonnes relations avec les communautés qui les accueillent et qui bénéficient de ce type de programme. Il est encore trop tôt pour déterminer si les revenus ou les créations d'emplois3 associés à la croissance du secteur minier ont un impact significatif sur la pauvreté dans les pays africains. Néanmoins, on note une nette amélioration (18 % d'augmentation en moyenne) de l'Indice de développement humain (IDH) calculé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au cours des années 2000 pour tous les pays présentés dans le tableau 2 (colonnes 5 et 6). Cela implique que les avantages liés au boom du secteur minier sont sans doute plus importants que ce qui est communément admis.

 

La question du régime fiscal

Les revenus miniers devraient permettre aux États, s'ils étaient suffisants, d'assurer eux mêmes la formation des populations et la construction d'infrastructures. Or, les taux d'imposition (y compris les royalties) ne sont pas assez importants pour maximiser les revenus des gouvernements issus des ressources naturelles4. S'il semble possible de relever les taux d'imposition sans nuire au secteur, il convient d'apporter quelques nuances à cette affirmation. En effet, les taux d'imposition bas s'expliquent historiquement par le faible prix des métaux couplé à des risques politiques élevés – risques qui sont toujours bien réels dans beaucoup de pays d'Afrique. Une hausse importante des taxes entraînerait un recul de l'exploration et des investissements. Par ailleurs, certains des nouveaux instruments fiscaux proposés – tels que les taxes sur les « super profits » – seraient difficiles à gérer pour de nombreux États africains. La plupart d'entre eux préfèrent l'apport en infrastructures et la mise en place de services communautaires plutôt que la hausse des taxes, ce qui en outre permet de surmonter leurs problèmes de gouvernance. Alors existe-t-il un régime fiscal idéal pour le secteur minier ? Le régime à taux fixe n'est certainement pas optimal : il entraîne des renégociations de contrats et des effets d'entraînement négatifs pour les investissements futurs, voire des troubles civils dans les zones des opérations minières et même des mouvements de nationalisation. Si les régimes flexibles sont préférables, ils doivent être stables pour que les investisseurs potentiels puissent prévoir les variations de taux en fonction des prix et/ou des profits. L'impôt sur le revenu est la méthode de taxation privilégiée ; les royalties, calculées sur la production mais ne tenant pas compte de la santé d'une entreprise, peuvent entraîner des fermetures. Toutefois, la majeure partie de la production minière étant exportée et devant traverser les frontières, il est plus facile pour les gouvernements de déterminer la valeur de la production plutôt que la rentabilité des opérations.

 

Perspectives d'avenir

Plusieurs données indiquent que l'essor récent du secteur minier a eu un impact positif sur la croissance et la réduction de la pauvreté dans les pays d'Afrique riches en minerais. Mais existe-t-il un régime juridique, réglementaire et fiscal optimal pour le secteur minier, susceptible de favoriser la croissance et la réduction de la pauvreté ? Et dans quelles circonstances ces résultats pourraient-ils être pérennisés ? Pour produire un régime optimal, la législation, les institutions et la fiscalité doivent être suffisamment intéressantes pour attirer les investisseurs. Le cadre réglementaire doit par ailleurs être clair et complet, avec des capacités de suivi et d'exécution suffisantes. En outre, les recettes fiscales doivent être collectées de manière transparente et efficace. L'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE)5 a été le principal outil de gouvernance utilisé ces dernières années pour renforcer la transparence fiscale. Les gouvernements doivent gérer et allouer les recettes fiscales de manière à contribuer au développement ; ils doivent renforcer la capacité de gestion de ces recettes en augmentation, et éviter que les ressources soient détournées. Enfin, il faut parvenir à lier davantage le secteur minier et les autres pans de l'économie, tandis qu'une partie du capital naturel devrait être transformé en infrastructures grâce aux développements miniers. Si d'importants progrès ont été réalisés, la plupart des pays ne disposent pourtant pas encore de la capacité à gérer la performance environnementale  et sociale du secteur minier. Ils peinent à promouvoir les investissements durables et à créer les conditions favorables au développement d'autres secteurs. Si les sociétés, les régulateurs, les collectivités locales et d'autres parties prenantes sont responsables de la viabilité sociale et environnementale des opérations minières, la pérennisation des bénéfices économiques relève principalement d'une amélioration de la gouvernance. Les États doivent donc renforcer les synergies, en planifiant le développement au niveau régional : optimisation de l'utilisation des infrastructures, renforcement des capacités des travailleurs, des PME et des collectivités locales. Ils doivent aussi s'assurer que le capital généré par les recettes fiscales est bien converti en capital renouvelable. Car si ces recettes sont de nouveau une source de revenus pour l'élite politique, il y a de fortes chances pour que les régions minières, après leur fermeture, retombent dans « Cent ans de solitude ». À l'inverse, un secteur minier performant a la capacité d'influencer le pouvoir central pour le faire évoluer. De nouvelles parties prenantes et de nouveaux groupes d'intérêt voient le jour, porteurs d'une autre façon d'envisager le développement ; ils pourraient fort bien avoir un impact décisif sur la vie politique d'un pays. La société civile, les collectivités locales et les agences internationales ont-elles aussi un rôle important à jouer. Des programmes innovants – tels que l'ITIE – sont également essentiels pour modifier les méthodes de gestion et de gouvernance des ressources minières.

 

1 Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du groupe de la Banque mondiale.
2 Ces entreprises et ces activités industrielles sont variées, allant des entreprises de restauration aux agences de sécurité, aux magasins d'outils et à la production de tuyaux, en passant par la fabrication de machineries d'exploitation très spécialisées et de camions de très grande taille.
3 Les données concernant les emplois dans le secteur minier manquent. Hors artisanat, les emplois directs sont généralement peu nombreux. Les emplois créés par effet d'entraînement et par le biais de la hausse des recettes fiscales pourraient être plus significatifs, mais cette tendance demande à être confirmée.
4 Sur les 12 pays figurant dans le tableau 2, seules la République démocratique du Congo et la Guinée ont un secteur minier générant plus de 10 % de l'ensemble des recettes fiscales pour 2008. 5 L'ITIE est une coalition d'États, d'entreprises, de groupes de la société civile, d'investisseurs et d'organisations internationales. Elle établit une norme internationale de transparence pour les secteurs du pétrole, du gaz et de l'exploitation minière. Dans ce cadre, les compagnies et les gouvernements communiquent à des auditeurs indépendants les montants versés et collectés.

 

Références
 
Banque mondiale, 2003. Second Projet Renforcement Institutionnel du Secteur Minier (Mauritanie), Project Appraisal Document, rapport n°25961. /Banque mondiale, 2009. Projet de gestion durable des ressources minérales (Tanzanie), Project Appraisal Document, rapport n°47926. / Banque mondiale, 2010a. Liberia : Extractive Industries—Technical Advisories Facility, Project Concept Note. /Banque mondiale, 2010b. Second projet de renforcement institutionnel du secteur minier (Mauritanie), aide-mémoire de la mission de supervision de l'AID, 23-28 janvier 2010. /Banque mondiale, 2010c. Indicateurs du développement dans le monde, base de données. /FMI, 2009. A Multi-Donor Trust Fund for IMF Capacity Building Technical Assistance in Managing Natural Resource Wealth, document de travail. /Mining Journal, 2009. Investment in Mozambique Mining Jumps to USD 804 million, article de presse, 14 mai. /Pelon, R., 2010. La Recherche des Trésors de la Grande-Ile : les ressources minérales, dans Banque mondiale (éd.), Madagascar : vers un agenda de relance économique, notes de politique de la Banque mondiale, 129-148. /PNUD , 1995. Rapport de développement humain, New York, Oxford, Oxford University Press. /PNUD , 2000. Rapport de développement humain, New York, Oxford, Oxford University Press. /PNUD , 2008. Rapport de développement humain, New York, Oxford, Oxford University Press. /Roe, A., Essex, M., 2009. Mining in Tanzania—What Future Can We Expect?, présentation au Congrès de l'ICCM, Dar Es Salaam, Tanzanie, 18 mai.

Gary McMahon

Spécialiste
Banque mondiale

Parcours

Gary McMahon a obtenu un doctorat en économie à l’université de Western Ontario et travaille en tant que consultant indépendant. Son expertise couvre notamment les modalités d’une exploitation minière susceptible de bénéficier à l’ensemble des parties prenantes, l’économie politique du développement, les liens entre les aspects socio-économiques et environnementaux du développement durable, ou encore les volets micro- et macro-économiques de la valorisation des ressources naturelles. Entre 1996 et 2015, il est intervenu en tant que consultant et membre des équipes de la Banque mondiale. Gary McMahon a publié sur de nombreux sujets liés à l’économie du développement, et il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages sur le développement et les économies en transition.

Banque mondiale

Le groupe de la Banque mondiale est une des plus grandes sources de financement et d'expertise  pour les pays en voie de développement. Le groupe comprend 5 institutions étroitement associées : la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développent (BIRD) et de l'Association Internationale pour le Développement (AID), la Société Financière Internationale (SFI), l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI), et le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Chaque institution joue un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie des populations vivant dans les pays en voie de développement. Pour de plus amples informations vous pouvez visiter nos sites www.worldbank.org, www.miga.org, et  www.ifc.org.    

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