
L‘assistance technique aux entreprises, aux industries et aux gouvernements, vise à stimuler la croissance du secteur privé, qui joue un rôle déterminant dans l’essor des pays émergents et en développement. À travers cette activité de conseil, les institutions financières de développement cherchent à créer un climat plus propice à l’investissement, d’accroître l’accès au financement et aux infrastructures de base tout en encourageant le développement d’entreprises durables.
L’assistance technique vise à promouvoir le développement économique, social et politique des marchés émergents au travers d’interventions ciblées aux niveaux macro et microéconomique. En améliorant l’accès aux biens et aux services, elle peut aider les pays à progresser sur la voie des Objectifs du millénaire pour le développement. Elle permet en effet d’atténuer les distorsions systémiques liées au marché et à la concurrence, ainsi que les obstacles réglementaires. La mise en œuvre de programmes d’assistance technique visant à renforcer les capacités, les compétences et les comportements des acteurs du secteur privé est un véritable catalyseur du développement économique et social. Investir dans les sociétés du secteur privé, c’est à la fois fournir du capital, encourager l’innovation et l’entrepreneuriat, créer des emplois et ouvrir de nouveaux marchés. Les programmes de conseil encouragent l’investissement local aussi bien que l’investissement étranger ; ils aident finalement à réduire la pauvreté dans les pays émergents et en développement.
L’objectif de ces programmes est le même depuis 50 ans, mais les modes d’intervention ont évolué. Il ne s’agit plus seulement d’étudier la faisabilité d’un projet de développement et d’en gérer la mise en œuvre. Il faut aussi renforcer les capacités, définir des normes sociales, environnementales, réglementaires et juridiques et assurer le développement économique. Selon l’Institut de la Banque mondiale, cette évolution s’est opérée sur trois générations. Au cours de la première – pendant la dernière moitié du XXe siècle –, l’assistance technique a été largement “tirée” par l’offre, avec le transfert de connaissances et de technologies voulu par les pays bailleurs de fonds. Au début du XXIe siècle, elle a commencé à se focaliser sur le développement des capacités, avec le développement de méthodes de gestion participative des projets et la promotion des meilleures pratiques. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’une troisième génération, qui prévoit un engagement à plus long terme, ainsi que l’utilisation de cadres contextuels et une meilleure gestion des dynamiques de changement répondant aux besoins de partenaires multiples. Si les programmes d’assistance technique ont évolué, il en va de même pour les relations entre les parties concernées. La mise en œuvre de projets communs exige désormais de réunir une multitude d’acteurs venant aussi bien d’institutions de développement que du secteur privé ou public. Les enseignements tirés de ces nouvelles collaborations doivent être analysés et mis à profit pour l’élaboration de futurs projets.
Fourniture d’assistance technique : service de conseils de l’IFC
En l’espace de quelques années, les services de conseils sont devenus essentiels dans l’activité de l’International Finance Corporation (IFC). C’est un élément important de son intervention dans les pays les plus pauvres – ou dans ceux qui peinent à encourager l’investissement des entreprises. Ce type d’assistance technique a connu un essor considérable : entre 2001 et 2010, les dépenses de services de conseils ont été multipliées par plus de dix et les effectifs par six. Aujourd’hui, leur conception et leur mise en œuvre mobilisent près de 40 % des effectifs de l’IFC et représentent un budget de près de 300 millions de dollars par an.
Les programmes de services de conseils de l’IFC s’articulent autour de quatre grands pôles qui proposent tous du conseil et des formations ciblées. Le pôle “Accès au financement” a pour vocation d’aider les ménages et les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) à obtenir des services financiers à des conditions abordables tandis que le pôle “Investissements étrangers” aide les gouvernements à mettre en œuvre des réformes pour encourager l’investissement et favoriser la concurrence et la croissance. Le pôle “Partenariats public-privé” aide les gouvernements à structurer des PPP dans le domaine des infrastructures et des services publics, tandis que le pôle “Développement durable” vise à promouvoir des normes transversales en matière de performance sociale et environnementale.
L’assistance technique, pour un meilleur accès aux services financiers
Dans les pays en développement, l’infrastructure financière est souvent si déficiente que les banques et autres établissements de crédit ont beaucoup de mal à développer leur offre auprès des segments de population sous-bancarisés. Les centrales de risques, les garanties, les systèmes de paiement et de règlement sont rares et généralement moins performants que dans les pays développés. À l’heure actuelle, plus de 2,5 milliards d’individus ne sont pas bancarisés et plus de 300 millions de MPME sont demandeuses de prêts bancaires, un manque qui se chiffre à 2 000 milliards de dollars à l’échelle planétaire. À travers son pôle “Accès au financement”, qui gère les programmes d’assistance technique les plus importants, la IFC travaille avec des institutions financières et des autorités de régulation pour améliorer les infrastructures financières et favoriser l’accès aux services financiers. Ainsi, l’IFC développe des programmes pour la microfinance, le crédit immobilier, les paiements de détail, l’assurance et la finance responsable – dans des secteurs d’activité différents, allant de l’agriculture à la téléphonie mobile.
L’IFC a par exemple lancé en Europe de l’Est un programme qui vise à développer des produits d’assurance agricole conçus pour réduire le risque supporté par les banques. En effet, lorsque des agriculteurs ont besoin d’acheter des semences ou des engrais, il arrive souvent que les banques refusent de leur prêter l’argent nécessaire si elles jugent l’entreprise trop risquée. En février 2010, un programme de formation a été proposé aux banques, portant sur les avantages de l’assurance en tant qu’outil de gestion du risque. En juin 2010, le leader ukrainien du financement agricole s’est associé au projet et a accepté d’assurer la coordination d’une autre initiative qui visait à accorder aux agriculteurs des prêts garantis par une assurance-récolte. Au moins 150 entreprises agricoles implantées dans six régions d’Ukraine devraient à terme obtenir des crédits saisonniers d’un montant total de 36 millions de dollars.
Au Kenya, le produit d’assurance “Kilimo Salama” (“une agriculture plus sûre” en swahili) est né d’un partenariat entre l’IFC, la Fondation Syngenta pour l’agriculture durable, l’opérateur de téléphonie mobile Safaricom et la compagnie d’assurance UAP. Grâce à cette assurance agricole indicielle contre les risques de sécheresse ou de précipitations excessives, il suffit que la pluviométrie enregistrée tombe en dessous d’un seuil spécifique convenu préalablement pour que l’assuré reçoive un dédommagement proportionnel à l’ampleur de la variation constatée. L’assureur n’a plus besoin de se déplacer pour évaluer le préjudice subi et l’assuré est très rapidement indemnisé. L’assurance Kilimo Salamo se révèle tout aussi pratique et économique pour les petits exploitants agricoles que pour les agents d’assurance par son faible coût de mise en œuvre. Le projet a connu une croissance remarquable : de 2009 à juin 2011, le nombre d’assurés a quasiment centuplé (de 200 à 19 000). Pour aller plus loin dans le développement du produit, en avril 2011, la Fondation Syngenta et l’UAP ont signé un partenariat avec One Acre Fund, une organisation qui contribue à la mise en place de crédits pour les semences et les fertilisants aux pauvres des zones rurales tout en leur enseignant comment obtenir de meilleures récoltes.
L’IFC a également dépensé 61 millions de dollars dans des actions de conseil destinées à stimuler la croissance des institutions de microfinance. Ces projets leur ont permis de se renforcer, ont aussi incité les banques commerciales à s’intéresser au segment de la micro et petite entreprise et aidé des ONG de microfinance matures à changer de statut juridique et à recevoir des dépôts. Ces actions de conseil ont également contribué à créer de nouvelles institutions. En juin 2010, les institutions de microfinance partenaires de l’IFC affichaient un encours proche de 8,5 millions de microcrédits d’une valeur totale avoisinant les 11 milliards de dollars au total.
Consciente du potentiel de développement que les nouvelles technologies représentent pour les services financiers en termes d’économies d’échelle, de marché et d’efficacité, l’IFC apporte de plus en plus son soutien financier et ses services de conseils à des expériences impliquant des canaux de distribution innovants : téléphones mobiles, transactions par cartes et réseaux de points de vente. L’IFC compte actuellement dans son portefeuille six projets d’investissement visant à renforcer les services de paiement électronique. Cela vient s’ajouter à l’appui qu’elle apporte déjà à des intermédiaires financiers et à des opérateurs de téléphonie mobile offrant des services de porte-monnaie électronique mobile comme Bank South Pacific, Tameer Bank et MTN Group. En parallèle, l’IFC a investi dans le Mobile Money Toolkit©, une base de données accessible sur Internet qui propose des outils et informations pour aider les clients à développer des modèles économiques mobiles accessibles à tous.
Afin d’accroître l’accès aux services financiers en Afghanistan, l’IFC et la Banque mondiale aident la Banque centrale afghane à mettre en place des systèmes de partage d’informations. Les prêteurs disposent ainsi d’outils efficaces pour évaluer les risques et les garantir, par le biais d’un nantissement de biens meubles par exemple. Entérinées depuis 2009 dans les lois afghanes, ces avancées ont contribué à améliorer de plus de 50 points la position de l’Afghanistan dans le classement international Doing Business Getting Credit de la Banque mondiale.
Nécessaire mesure de l’efficacité de l’assistance technique
Même si les visées spécifiques de l’assistance technique varient d’une institution à l’autre, l’objectif premier est toujours de donner au bénéficiaire les moyens d’accroître sa productivité, sa compétitivité et sa capacité à attirer l’investissement étranger. Les pays qui en bénéficient voient souvent leur attractivité s’améliorer dans les systèmes de classement mondial. À eux seuls toutefois, les programmes d’assistance technique n’ont qu’un impact limité sur la croissance. C’est pour cette raison que l’IFC les associe depuis quelques années aux projets d’investissements. Les conseils tendent à être mieux suivis quand le bénéficiaire reçoit en parallèle des ressources financières qui vont lui permettre de les appliquer. Le Groupe indépendant d’évaluation de la Banque mondiale confirme ce constat : l’activité de conseil a beaucoup plus d’impact sur le développement quand elle est associée à un investissement de l’IFC.
Mesurer l’efficacité des programmes est souvent difficile surtout quand des objectifs aussi immatériels que la gestion des connaissances ou le renforcement des capacités sont en jeu. De solides mécanismes d’évaluation et de suivi s’avèrent donc indispensables pour mesurer de manière efficace les résultats obtenus et leur impact sur le développement. Outre un système d’évaluation des bonnes pratiques, l’IFC offre à ses clients deux autres outils, le premier pour mesurer l’impact des investissements et le second pour mesurer celui des activités de conseil. La mesure des résultats se fait, entre autres, à partir d’un cadre d’évaluation ex post et tient compte des remontées d’information en temps réel intégrées au moment de la conception et de la mise en œuvre des projets. L’utilisation d’indicateurs standards permet d’additionner les résultats, de mesurer leur impact sur le développement et de voir dans quels secteurs et quelles régions l’aide au développement a été la plus efficace. Il appartient aussi à l’IFC d’apprécier le caractère novateur et irremplaçable des prestations en question et d’attribuer à ces dernières une note représentative de la valeur qu’elles ont contribué à créer.
Les équipes de l’IFC se servent de ce suivi de résultats pour faire des prévisions, définir des points de repère, suivre les progrès réalisés, et attribuer le cas échéant à la prestation une note représentative de l’impact qu’elle a eu sur le développement (Figure 1 et 2).
En 2009, les investissements de l’IFC ont contribué à créer 2,2 millions d’emplois, à soigner 7,5 millions de personnes, à former 1,4 million d’étudiants et à fournir aux MPME 10 millions de prêts d’une valeur totale de 110 milliards de dollars. Quant aux programmes de conseil, ils ont permis à des gouvernements d’élaborer et de mettre en œuvre 70 réformes de l’environnement réglementaire des entreprises, à 10 millions d’individus d’avoir accès à des infrastructures nouvelles ou de meilleure qualité et à des institutions de microfinance de prêter 3,5 milliards de dollars à 3,8 millions de microentreprises.
Lier plus étroitement l’assistance technique aux objectifs de développement
Tous les ans, la SFI intègre ces résultats dans son processus stratégique. Depuis peu, elle envisage d’aller encore plus loin. À terme, elle pourrait adopter un ensemble d’objectifs qui lui servirait de cadre général pour définir sa stratégie, les résultats auxquels elle aspire en matière de développement et les moyens qu’elle mettra en place pour mesurer les progrès réalisés. Cet ensemble s’inspire des Objectifs du millénaire pour le développement et aide à mesurer ce que les clients ont réussi à accomplir grâce au soutien de l’IFC. À l’heure actuelle, ces objectifs sont testés dans six secteurs (agriculture, santé et éducation, finance, infrastructures, MPME et changement climatique). Ce sont des secteurs qui ont besoin d’être développés et où l’aide de l’IFC peut créer une différence. Ce sont aussi pour l’IFC des domaines d’une importance stratégique, où la mesure des résultats sera très utile.
Même si les institutions financières de développement ont obtenu des résultats remarquables au cours des cinquante dernières années, il reste encore beaucoup à faire. Avec l’assistance technique de troisième génération, les institutions financières de développement, les gouvernements bénéficiaires et la communauté des bailleurs de fonds peuvent mettre en place des programmes novateurs, flexibles et respectueux du contexte, recevant l’adhésion au niveau local.
En s’appuyant sur les enseignements tirés de l’expérience, en travaillant en partenariat avec toutes les parties prenantes et en donnant à leurs interventions de nouvelles perspectives, l’IFC et d’autres institutions financières de développement peuvent repousser les limites de l’assistance technique. Mais pour y parvenir, elles auront besoin d’objectifs précis, de la coopération de toutes les parties prenantes et d’approches novatrices et adaptables.