
Les institutions financières de développement comme Proparco accompagnent les entreprises qu’elles financent dans leurs démarches de responsabilité environnementale et sociale (E&S). Leur mission ne s’arrête pas à la gestion des risques E&S. Il s’agit aussi d’amener leurs partenaires à s’inscrire durablement dans une démarche continue d’amélioration de leurs performances E&S.
Créateur d’emplois, source de revenus pour les États, le secteur privé est un acteur incontournable du développement. Pour soutenir une croissance durable, son engagement à agir de façon responsable – en matière économique, sociale, environnementale et de gouvernance – est essentiel. Cette conviction est au coeur de la mission des institutions financières de développement (IFD) comme Proparco.
Leur rôle, au-delà des financements qu’elles apportent, est d’accompagner l’émergence d’un secteur privé innovant engagé en faveur du développement durable dans les pays du Sud. C’est dans cette logique que les IFD incitent les sociétés qu’elles financent à améliorer
leur gestion environnementale et sociale (E&S). Cela permet à ces sociétés de limiter leurs risques financiers, légaux et réputationnels mais aussi d’améliorer leur performance globale.
L’apport d’une IFD comme Proparco réside notamment dans sa capacité à accompagner les sociétés de son portefeuille dans leurs démarches E&S, afin d’aider à améliorer la qualité et la performance de leurs projets. En renforçant la capacité des acteurs économiques et financiers à répondre aux enjeux E&S, Proparco vise un effet d’entraînement plus large au sein du secteur privé. L’institution a en effet pour ambition d’impulser une dynamique d’amélioration des pratiques E&S auprès de son portefeuille, et plus globalement auprès du tissu économique local. Les leviers d’action des IFD sont nombreux. Par leurs exigences E&S élevées, elles contribuent à diffuser des standards de haut niveau et des bonnes pratiques auprès des sociétés qu’elles financent et de leur chaîne d’approvisionnement. Elles ont également la capacité de les accompagner par du conseil et de l’assistance technique.
La promotion de standards E&S de haut niveau
Dans les pays où interviennent les IFD, il est fréquent que les règlementations et dispositifs en matière de responsabilité E&S n’encadrent pas suffisamment les entreprises. Les réglementations sont limitées à quelques secteurs et souvent insuffisamment appliquées, faute de moyens et de capacités suffisantes pour contrôler leur mise en oeuvre. Si des réglementations environnementales existent quasiment dans tous les pays d’Afrique, elles visent essentiellement la maîtrise des pollutions (air, eau, bruit) ; les enjeux de préservation de la biodiversité y sont généralement peu intégrés. Bien souvent, l’étude d’impact environnemental est perçue comme un document administratif. Réalisée à un stade avancé du projet, elle représente principalement pour les entreprises un moyen d’obtenir un permis environnemental nécessaire au démarrage des travaux. Les mesures d’atténuation des impacts du projet sur l’environnement, définies dans l’étude, sont rarement prises en compte dans la conception du projet et dans les modalités d’exécution des chantiers. Les populations sont peu souvent associées à ces études.
En outre, il n’existe pas d’étude similaire en matière sociale. Les risques et les impacts des projets sur les employés des entreprises, sur les communautés avoisinantes, ou sur la chaîne d’approvisionnement, ne sont donc pas toujours évalués convenablement. Enfin, la capacité des maîtrises d’ouvrage à gérer correctement les risques et les impacts E&S de leurs entreprises n’est par ailleurs pas analysée.
Aussi, depuis plus de 40 ans, les IFD ont progressivement développé des normes et standards E&S plus exigeants que les réglementations locales. Elles intègrent progressivement les exigences des textes édictés par les organisations internationales qui encadrent les activités des entreprises, notamment les Conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies, les Principes directeurs de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales ou encore les Directives volontaires sur les régimes fonciers de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La Société Financière Internationale (SFI), filiale du Groupe Banque mondiale, a par ailleurs développé dès 2003 des standards de performance qui constituent aujourd’hui un référentiel reconnu couvrant l’ensemble des enjeux E&S auxquels peut être confrontée une entreprise et définissant les modalités d’évaluation et de bonne gestion E&S (Figure).
Afin d’aider leurs clients à ne pas se perdre dans le foisonnement de ces normes et standards, les IFD harmonisent depuis une dizaine d’années leurs approches. Ainsi, les institutions financières de développement européennes (EDFI), dont fait partie Proparco, ont adopté en 2009 des principes communs définissant les modalités d’un financement responsable. Elles ont également harmonisé leurs démarches d’évaluation et de suivi E&S des projets cofinancés, sur la base des standards de la SFI, des conventions fondamentales de l’OIT et des principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l’homme. Ces efforts d’harmonisation permettent aux EDFI de peser collectivement plus efficacement sur le développement de la responsabilité E&S dans le tissu économique des régions où elles interviennent. En complément, les IFD incitent parfois les sociétés qu’elles financent à obtenir des certifications de leurs systèmes de management (par exemple ISO 14001¹ ) ou des labellisations sectorielles (par exemple, RSPO² pour la production d’huile de palme, FSC³ pour l’exploitation forestière, ou BONSUCRO pour la production sucrière).
Une définition rigoureuse des pistes d’amélioration
Les IFD, à l’instar de Proparco, ont développé des démarches structurées d’analyse et d’amélioration des pratiques E&S de leurs clients. Lors de l’analyse d’un projet soumis au financement, la première étape consiste à identifier les forces et faiblesses de l’entreprise, à définir les enjeux prioritaires E&S et à l’aider à structurer sa démarche de responsabilité E&S. L’objectif final est d’amener l’entreprise à s’approprier ces démarches et à les pérenniser.
Le rôle d’une IFD comme Proparco durant cette phase d’évaluation est essentiel. Les équipes, appuyées par des consultants qualifiés, identifient les risques E&S du projet (conformément aux standards de Proparco) et évaluent les pratiques de l’entreprise et ses capacités à gérer correctement ces risques. L’évaluation vise également à identifier les besoins de renforcement des capacités de l’entreprise sur les sujets E&S. Enfin, au-delà de la stricte gestion des risques E&S, elle permet également d’identifier les pistes d’optimisation des impacts de l’entreprise sur son environnement, par exemple en diminuant son empreinte écologique (économies d’eau, d’énergie) ou en apportant des biens et services aux communautés avoisinantes (extension de l’accès aux services en eau potable, énergie, assainissement, construction d’un dispensaire et d’une école, etc.).
Les actions nécessaires à l’amélioration des pratiques E&S de l’entreprise sont déterminées sur la base des résultats de l’évaluation. Un plan d’actions qui permettra à l’entreprise d’atteindre le niveau de performance E&S attendu est établi. Il définit les priorités, les moyens à mobiliser, les délais de mise en oeuvre ainsi que les indicateurs de performance à suivre. Ce plan d’actions doit faire l’objet d’un consensus entre Proparco et l’entreprise avant la signature de la documentation juridique contractuelle à laquelle il est annexé. Il récapitule ses exigences à l’encontre de l’entreprise et les engagements que celle-ci prend envers Proparco. A cet égard, l’entreprise doit la tenir régulièrement informée de ses avancées en la matière. Après la signature du contrat de financement, les équipes de Proparco et des consultants indépendants assurent un suivi qui leur permet d’évaluer la mise en oeuvre du plan d’actions E&S, d’identifier les difficultés rencontrées par le client et de corriger les dysfonctionnements (Encadré).
L’accompagnement E&S de Proparco à un projet énergétique ivoirien
Proparco a financé la troisième tranche de la Centrale thermique d’Azito en Côte d’Ivoire aux côtés de la SFI, de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) et d’autres IFD européennes. Ce projet d’envergure, dont la construction est en cours d’achèvement, permettra de générer près de 1.000 GWh par an d’électricité supplémentaire, sans utilisation additionnelle de gaz ni d’émissions de gaz à effets de serre (grâce à l’utilisation de la technologie dite à « cycle combiné »). L’énergie supplémentaire à bas coût ainsi produite permettra d’améliorer l’accès à l’énergie des ivoiriens, et de fournir l’énergie nécessaire pour soutenir la croissance de la sous-région. L’évaluation E&S réalisée dans le cadre de ce financement a abouti à la définition d’un plan d’actions dont les mesures principales d’amélioration portaient sur la gestion des rejets en eau de la centrale, l’atténuation du bruit généré par les installations et la gestion des déchets. A titre d’exemple, l’une des actions consistait à demander au constructeur de la centrale d’adopter des spécifications techniques garantissant le respect des normes nationales et internationales relatives au bruit. La mise en oeuvre de ces actions a fait l’objet d’un suivi trimestriel pendant la période de construction par un consultant indépendant reportant directement aux IFD. Ce suivi a permis de s’assurer que les actions E&S ont correctement été mises en oeuvre et ont contribué à améliorer l’ensemble des pratiques de gestion du chantier, y compris celles des sous-traitants.
De l’assistance technique peut également être mobilisée pour financer l’obtention de certifications (ISO 14001, SA 8000, etc.), la mise en place de politiques spécifiques (politique SIDA par exemple), une étude préalable à des investissements d’efficacité énergétique ou encore des études de calibrage d’une vaste opération de dépollution des sols d’une société ferroviaire. Un accompagnement similaire est proposé aux institutions financières et aux fonds d’investissement que Proparco finance (Encadré).
Une démultiplication des efforts à travers les intermédiaires financiers
Lorsque les IFD financent des intermédiaires financiers (banques et fonds d’investissement essentiellement), elles attendent de ceux-ci qu’ils contribuent à diffuser auprès de leurs clients des principes de responsabilité E&S équivalents aux leurs. En effet, les banques financent localement un grand nombre d’entreprises et les fonds d’investissement ont souvent vocation à faire émerger un secteur privé compétitif. La prise en compte par ces acteurs incontournables du financement local des principes de responsabilité E&S est un vecteur de démultiplication des efforts des IFD auprès du tissu économique local. Les institutions financières de développement, comme Proparco, incitent les intermédiaires financiers à définir et à mettre en oeuvre dans un délai acceptable un système de gestion des risques E&S des projets qu’ils financent, basé sur des standards de haut niveau. A terme, la banque ou le fonds d’investissement devra analyser les risques E&S des projets financés ou des sociétés investies, définir des actions pour atténuer ces risques, conditionner son prêt ou sa participation à la mise en oeuvre de ces actions et suivre leur bonne mise en oeuvre. Comme dans le cas des entreprises, Proparco accompagne les intermédiaires financiers dans le développement de systèmes de gestion E&S par du conseil ou de l’assistance technique. Par exemple, Proparco appuie depuis 2012 une banque kenyane et ses filiales ougandaises et tanzaniennes dans la mise en place d’un système de gestion E&S permettant la prévention des risques et l’amélioration des performances E&S des projets qu’elle finance. Par ailleurs, plusieurs IFD appuient depuis 2013 l’association des banques kenyanes pour promouvoir et développer des principes directeurs de finance responsable et des outils de bonnes pratiques pour l’ensemble du secteur bancaire kenyan.
Opportunités et facteurs clés de succès
Conscientes que le rejet d’un projet par les communautés riveraines, le mécontentement social au sein d’une entreprise, les avertissements des organisations non gouvernementales locales ou internationales, l’arrêt d’un chantier ou les frais liés à des procédures judiciaires ont un coût financier et réputationnel non négligeable, la plupart des entreprises financées par les IFD accueillent positivement les demandes d’amélioration formulées par celles-ci. Elles y voient également l’opportunité d’un accès renforcé aux marchés et aux financements internationaux et à terme des possibilités d’amélioration de leur productivité et de leur rentabilité. Mais, si les améliorations demandées par les IFD sont reçues positivement dans leur principe, les montants à mobiliser et les moyens humains pour atteindre les niveaux de performance E&S requis le sont moins. Pour les IFD, le principal défi est de convaincre l’entreprise de déployer les moyens nécessaires pour s’engager durablement dans une démarche de responsabilité E&S, en lui montrant les bénéfices associés – à condition de rester pragmatique et de prendre en compte la capacité de l’entreprise à mettre en oeuvre ces démarches dans un laps de temps acceptable. Les engagements E&S doivent être respectés. En cas de non-respect de la société cliente, un cas de défaut peut être prononcé et conduire au rembourssement anticipé du financement ou à la sortie de Proparco du capital de la société. De même, les versements du financement peuvent être bloqués ou retardés tant que l’entreprise ne respecte pas ses engagements. Dans ce cas, un plan d’actions correctif est adopté et les futurs versements sont conditionnés à sa mise en place. Un tel cas de figure s’est déjà présenté à Proparco : des dysfonctionnements majeurs relatifs à santé et à la sécurité des employés avaient été identifiés dans le cadre d’un projet de construction d’infrastructures énergétiques. Face à l’absence de réactivité de l’entreprise, Proparco et ses cofinanceurs ont décidé de stopper les versements. Des mesures correctives, d’ordre organisationnel, opérationnel et de suivi, ont été établies avec l’entreprise. Leur mise en oeuvre et les améliorations constatées ont permis la reprise des versements.
Mais en règle générale,Proparco privilégie le dialogue pour remédier aux difficultés et poursuivre le renforcement des pratiques E&S des sociétés qu’elle finance.
Le rôle des IFD est d’accompagner les entreprises qu’elles financent pour qu’elles s’inscrivent durablement dans une démarche de responsabilité E&S. Les entreprises qui s’engagent dans ces démarches en tirent des bénéfices en termes de fonctionnement, d’avantage comparatif, d’accès à des marchés internationaux, de relations avec leurs parties prenantes ou enfin d’image. Par cette action, les IFD contribuent à leur mission de promotion d’une croissance durable et inclusive dans les pays du sud. Mais les efforts à consentir par les entreprises peuvent être conséquents et un véritable partenariat doit alors s’établir entre les IFD – comme Proparco – et la société financée. Leur valeur ajoutée réside dans l’accompagnement de leurs clients vers une plus grande responsabilité E&S.
Notes de bas de page :
¹ La norme ISO 14001 définit une série d’exigences spécifiques à la mise en place d’un système de management environnemental.
² Roundtable on Sustainable Palm Oil, en anglais
³ Forest Stewardship Council, en anglais