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La gestion de l’aéroport international d’Abidjan a été confiée en 1996 à un opérateur privé. Si l’équilibre économique de la concession a été mis à mal par une série d’évènements – dont la crise ivoirienne ne fut pas le moindre –, la situation s’améliore notablement depuis les années 2010. Étroitement lié à celui du pays, le développement de l’aéroport bénéficie aujourd’hui d’un programme d’investissement ambitieux de quelques 100 millions d’euros.

L’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan est l’un des premiers aéroports africains dont la gestion a été confiée, dans le cadre d’un partenariat public-privé, à un opérateur privé. La Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence (CCIMP), alors gestionnaire de l’aéroport de Marseille, s’est associée pour l’occasion au bureau d’ingénierie aéroportuaire Sofréavia (racheté en 2006 par le groupe Egis). Ensemble, ils ont constitué une société de droit ivoirien, AÉRIA, à qui a été confiée la concession. Quinze ans plus tard, en 2010, l’État de Côte d’Ivoire confirme sa confiance au groupe Egis et à la CCIMP en renouvelant pour vingt ans la concession accordée à AÉRIA. Première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone, la Côte d’Ivoire a enregistré depuis 2011 des taux de croissance du PIB impressionnants 1; selon la ministre ivoirien de l’économie, le PIB par habitant a augmenté de plus de 20 % en trois ans. Le pays a donc repris le chemin de la croissance. Si l’aéroport d’Abidjan, en tant qu’outil de développement du territoire, accompagne ce mouvement général, il a dû faire face, depuis la mise en place de la concession, à quelques crises sérieuses – surmontées grâce à une remarquable capacité d’adaptation.

1996-2011 : après des débuts prometteurs, des turbulences

Le mauvais état des installations aéroportuaires et la nécessité de les moderniser sans faire appel aux fonds publics conduisent l’État ivoirien, en 1995, à chercher un opérateur privé qui pourra réaliser un important programme d’investissements. La très forte croissance du trafic entre 1996 et 1999 (+ 43 %) oblige le nouveau gestionnaire à réévaluer son programme initial de 16 à plus de 25 milliards de francs CFA2 pour adapter l’ensemble des installations (aérogare, aires d’avions, piste d’atterrissage et parcs autos) à un trafic estimé à deux millions de passagers à la fin des 15 ans de concession. Le modèle mis en place recueille la confiance des banquiers et des bailleurs de fonds internationaux qui accompagnent AÉRIA. Un groupement réunissant l’Agence française de développement (AFD), la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) finance 50 % des travaux – l’autre moitié est couverte par les fonds propres de l’entreprise. Commencés en 1996, les travaux sont entièrement terminés en 2000 ; l’aéroport d’Abidjan est alors l’un des aéroports les mieux équipés d’Afrique de l’Ouest. Le trafic international atteindra en 1999 près d’1,3 million de passagers, ce qui constitue un record absolu pour cet aéroport depuis sa création (Figure). Mais l’équilibre économique de cette concession est mis à mal par une série d’événements majeurs et tout particulièrement par la crise politique ivoirienne, qui commence en 1999 et durera 12 ans. Les attentats du 11 septembre 2001 et sa cohorte de faillites au sein des compagnies aériennes (Sabena et Swissair, deux compagnies très présentes à Abidjan) ont aussi nuit à l’aéroport, tout comme la disparition en 2002 d’Air Afrique – qui représentait plus de 40 % de l’activité passagers. En 2003, le trafic n’est plus que de 700 000 passagers et il faut attendre l’année 2014 pour que le nombre de passagers dépasse enfin le record de 1999. Dans cette période tourmentée, il a fallu assurer « la survie » du gestionnaire.

L’État a notamment augmenté le niveau des redevances passagers 3. Cette compréhension des impératifs économiques de l’opérateur privé a participé à préserver l’équilibre économique et financier de la concession face à la baisse du trafic conséquente aux crises traversées par le pays. La qualité des relations avec les bailleurs de fonds (acceptation par les bailleurs de renégocier la dette pour l’adapter aux ressources affaiblies de l’opérateur) et la maîtrise des coûts d’exploitation par l’opérateur ont également contribué à surmonter la crise traversée par le pays.

2012-2016 : accompagner le retour à la croissance

Le gestionnaire a prouvé, lors des périodes difficiles, sa capacité de résistance. Il a fait face à toutes ses obligations malgré les crises successives. Le renouvellement de sa concession en 2010 vient reconnaître cette bonne gestion et a été l’occasion de mieux adapter la convention de concession aux réalités du secteur. De nouveaux principes ont permis d’introduire des plans d’investissements évolutifs dans le temps 4. Ils procurent à AÉRIA une certaine résilience aux éventuels retournements de trafic et aux évolutions du secteur aérien (évolution du type d’aéronef, problématiques de sûreté aéroportuaire, etc.). L’habilité du partenariat public-privé est un atout de taille dans le retour à la croissance. Après dix années de crise politique et économique, la Côte d’Ivoire retrouve la voie de la croissance et du développement. L’aéroport, porte d’entrée internationale du pays, doit soutenir et accompagner cette croissance. Il a donc besoin de continuer à se moderniser, en particulier en développant les infrastructures, en enrichissant le réseau de lignes aériennes et en renforçant la sûreté et la sécurité. Le développement du trafic aérien se mène à la fois au niveau national, régional et international. La compagnie nationale ivoirienne, Air Côte d’Ivoire, représente en 2015 environ 40 % du trafic de l’aéroport d’Abidjan. Elle développe principalement un trafic de correspondance ; Abidjan en est le hub (plateforme de correspondance) et permet de desservir l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. La compagnie Air France, seconde en termes de volume, représente 16 % du trafic. Air France-KLM a renforcé sa desserte Paris-Abidjan qui atteint sept fréquences hebdomadaires, dont certaines en Airbus A380. Par ailleurs, Corsair a annoncé officiellement reprendre de manière pérenne les vols au départ de Paris, à raison de quatre fréquences hebdomadaires à compter de juin 2016. L’un des principaux objectifs de l’aéroport d’Abidjan est l’ouverture d’une ligne vers les États-Unis. L’aéroport a obtenu en 2015 l’agrément en matière de sûreté des autorités américaines, précieux sésame préalable à un vol à destination ou en provenance des États-Unis. Dans la continuité, 2016 sera l’année de la certification de la sécurité aéronautique par l’ANAC, autorité reconnue par l’Organisation internationale de l’aviation civile. AÉRIA appliquera donc les mêmes exigences et mesures que celles prises dans les aéroports internationaux occidentaux.

Dans un univers aussi compétitif que le transport aérien, les compagnies internationales comparent plusieurs aéroports avant d’ouvrir une ligne et les taxes sur les billets d’avion font parties des éléments de sélection. La direction d’AÉRIA a rencontré récemment le ministère des Transports ivoirien, afin de trouver un juste équilibre au bénéfice de toutes les parties. Dans la foulée, le gouvernement a annoncé officiellement en Conseil des ministres une baisse de différentes taxes pour un montant total de 18 euros par billet d’avion.

Un plan d’investissement à moyen terme

Pour assurer le développement des infrastructures, AÉRIA a réalisé plusieurs investissements à court terme. La priorité en 2013 a été la mise en conformité des installations pour accueillir l’A380. En 2015, 4,5 millions d’euros ont été investis pour reconfigurer et rénover la zone des départs internationaux. Ces aménagements se poursuivront en 2016 avec le remplacement du tapis bagages et l’agrandissement des parkings autos. Les prévisions de trafic et l’objectif de la direction de l’aéroport prévoient d’atteindre plus de 2 millions de passagers d’ici 2020 avec un taux de croissance annuel d’environ 5,7% sur la période 2016-2020 et près de 2,7 millions d’ici la fin de la concession en 2029. Une telle croissance nécessite des investissements supplémentaires. Ils seront nécessaires pour améliorer la capacité de l’infrastructure, tant du côté de la piste, des postes de stationnement des avions (en nombre mais aussi en taille d’aéronefs) que du terminal. AÉRIA doit également adapter son infrastructure au modèle de la compagnie nationale, Air Côte d’Ivoire. Une plateforme de correspondance nécessite en effet une adaptation opérationnelle tant côté piste que dans les terminaux ; il faut par exemple faciliter le transfert des passagers pour aller d’un avion à un autre, ce qui implique une gestion pointue des flux. Tout l’enjeu d’AÉRIA est de continuer à accompagner les changements par le déploiement de plans d’investissement adaptés, sans mettre en péril son équilibre économique. Au total, pour accompagner la hausse attendue de la fréquentation de l’aéroport, AÉRIA a programmé près de 100 millions d’euros d’investissements – dont une partie significative sera financée en fonds propres. Dans la mesure où toutes ces transformations sont basées sur une vision dynamique de l’économie et du développement du pays, le plan d’investissement comporte nécessairement une part de risque. Enfin, la société investit aussi, bien entendu, sur son personnel. La participation d’un groupe international comme Egis permet à AÉRIA de bénéficier d’un transfert de compétences et d’un accès aux bonnes pratiques du secteur qui sont utiles pour développer les savoir-faire et le savoir-être propres à la société. Un programme ambitieux de formation a été déployé ces dernières années ; outre les compétences acquises, il contribue à la valorisation et la motivation des équipes. Aujourd’hui, l’objectif de l’aéroport international d’Abidjan est l’élargissement et la diversification du réseau de lignes aériennes, le renforcement de la sûreté et de la sécurité et le développement des infrastructures. Afin d’anticiper l’avenir, AÉRIA réfléchit avec les équipes d’Egis à la façon dont fonctionnera l’aéroport en 2025, quand il devra être en capacité d’accueillir plus de 2,5 millions de passagers. Alors que les comportements et les attentes des passagers évoluent, que le monde se digitalise, il faut faire évoluer les infrastructures et les services de l’aéroport. Le rôle d’AÉRIA, en tant que concessionnaire, est de s’en assurer.

 

1 10,7 % en 2012, 9,2 % en 2013, 8,5 % en 2014, 8,4 % en 2015 et 8,5 % prévus en 2016.
2 De 24 à 37 millions d’euros.
3 Les redevances aéronautiques (redevance d’atterrissage, redevance passagers, etc.) sont fixées par décret.
4 Revus tous les 5 ans et suivis/adaptés tous les ans.

Francis Brangier

CEO
Egis Airport Operation

Parcours

Francis Brangier est directeur général d’Egis Airport Operation depuis 2014. Ingénieur diplômé de l’École Nationale de l’Aviation Civile (ENAC), il a plus de 30 ans d’expérience dans le transport aérien. Il rejoint Sofréavia en 1999 et devient directeur général adjoint d’Egis Avia en 2010. Il est administrateur de nombreux aéroports, aussi bien en Afrique (Côte d’Ivoire, Gabon, Congo) que sur d’autres continents (Belgique, Chypre, Brésil).

Egis Airport Operation

Filiale du groupe Egis, Egis Airport Operation est dédiée à l’activité d’exploitation aéroportuaire ; elle gère un réseau de 14 aéroports répartis sur quatre continents, représentant plus de 25 millions de passagers et plus de 320 tonnes de frêt. Elle est actionnaire de la société anonyme de droit ivoirien Aéroport international Abidjan (AÉRIA) à 35%, aux côtés de l’ l’État ivoirien (10%) et d’actionnaires privés (65%). Groupe international d’ingénierie, de montage de projets et d’exploitation intervenant dans de nombreux secteurs, Egis est filiale à 75 % de la Caisse des Dépôts. Avec 13 000 collaborateurs, il a réalisé 937 millions d’euros de chiffre d’affaires géré en 2015.

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