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En Afrique, la distribution de l’assurance repose sur les sociétés de courtage et les agents d’assurances. La bancassurance peine à se développer, en raison du faible taux de bancarisation. C’est pourquoi les nouveaux réseaux de distribution sont au coeur des stratégies des assureurs. La téléphonie mobile apparaît comme un vecteur prometteur pour la diffusion des produits sur le continent.

Contracter une assurance n’est pas une pratique courante en Afrique. Sur le continent, une personne dépense en moyenne moins de 70 dollars par an pour ses assurances (contre plus de 2 700 dollars en Europe de l’Ouest). Les raisons de ce faible engouement sont aussi multiples que complexes : absence d’une véritable culture d’assurance, pas d’obligation d’assurance sur les risques de masse, manque d’innovation, mais aussi de règles en matière de tarification, sans compter un règlement des sinistres parfois aléatoire qui entraîne une mauvaise image de l’assurance. La distribution de l’assurance (y compris de la micro-assurance) en Afrique est, comme ailleurs, le fait de courtiers locaux ou internationaux, d’agents exclusifs d’assureurs ou de banques. Elle est aussi confiée, de façon plus adaptée au contexte, à des opérateurs mobile, à des agences de voyages ou à des institutions de microfinance. La performance de ces nouveaux canaux de distribution est étroitement liée au contexte africain : faible bancarisation, pénétration élevée des opérateurs mobiles, forte présence de la micro-assurance, etc. En multipliant les expériences positives, en limitant les contraintes administratives et en facilitant les modalités de paiement, ils peuvent contribuer à sensibiliser les populations à l’assurance.

Les réseaux "classiques" peinent à élargir leur clientèle

Le réseau traditionnel reste le principal acteur de la distribution d’assurance. Dans les pays de la zone CIMA1, il représente 60 % du chiffre d’affaires des compagnies d’assurances, toutes branches confondues. L’essentiel de la production provient des grands courtiers internationaux centrés sur les grands risques d’entreprise et des courtiers locaux essentiellement tournés vers l’automobile. Mais le courtage local ne couvre qu’une partie limitée de la population africaine, sa clientèle étant essentiellement urbaine. L’avenir du réseau classique de distribution dépend, en grande partie, de sa capacité à intégrer les nouvelles technologies dans son organisation pour atteindre une clientèle plus large et réduire ses frais de gestion. Il est aussi lié à la croissance de la classe moyenne, urbaine, jeune et éduquée. Certains des grands courtiers fortement implantés en Afrique, spécialistes de la distribution dite affinitaire (« B2B2C »), ont également un rôle à jouer pour accompagner les acteurs africains disposant de bases clients importantes (institutions financières, opérateurs mobiles, etc.) à intégrer des produits d’assurances et de micro-assurances pertinents dans leur offre de services. Le faible développement de la bancarisation (moins de 15 % dans la zone UEMOA) limite également l’essor de la bancassurance – un canal très développé en Europe, qui permet la diffusion de produits d’assurances aux clients des banques. En zone CIMA, cette possibilité n’a vu le jour qu’en 2004 avec l’autorisation pour les établissements financiers, les caisses d’épargne et les établissements postaux de distribuer des produits d’assurances via leurs guichets. L’employé de banque dispose désormais d’un catalogue de produits et de services élargi à destination d’une clientèle dont il connaît les finances et les besoins. Ainsi, il proposera par exemple une assurance automobile au client réalisant l’emprunt bancaire pour financer un véhicule. Allianz Sénégal ou le groupe ivoirien SUNU réalisent avec les clients des banques partenaires une part conséquente de leur production en assurance vie. Tout ou presque reste à faire dans ce domaine à l’échelle du continent, compte tenu du faible taux de bancarisation et du manque de stratégies efficaces. Les opérateurs de téléphonie mobile, les détaillants et les entreprises de pompes funèbres représentent 45 % de la distribution de produits de micro-assurance dans la région (McCord et Bies, 2015). Les agents et courtiers totalisent 28 % de part de marché et le solde réside principalement auprès des institutions de microfinance (schéma ci-dessus). L’entraide familiale ou associative concurrence également l’offre des assureurs traditionnels. Les assurances informelles, comme les tontines, sont souvent privilégiées, car elles permettent d’épargner entre membres d’une même communauté sans la complexité administrative des assureurs. Le très faible essor des mutuelles, comme celles qui existent en Europe ou en Afrique du Sud, constitue également un frein au développement de l’assurance en Afrique. Le contre-exemple du Rwanda en matière de mutuelles de santé (90 % de la population concernée) illustre l’intérêt de la formule.

La téléphonie mobile, un vecteur prometteur de distribution

Acteurs majeurs de la micro-assurance et canal de distribution en forte croissance, les opérateurs de téléphonie mobile sont au coeur des stratégies de distribution de demain. L’Afrique est devenue le second marché de téléphonie mobile, après l’Asie. Et avec 160 opérateurs, il compte parmi les plus concurrentiels au monde. Le ralentissement de la croissance sur le continent et la concurrence accrue incite les opérateurs à réduire progressivement leurs prix, à développer les réseaux dans les régions reculées, mais aussi à proposer de nouvelles offres pour maintenir leur part de marché. Les opérateurs de téléphonie mobile atteignent plus d’Africains que tout autre canal de distribution. Pour l’assurance, ce vecteur présente de nombreux atouts. Le mobile banking, qui permet le transfert d’argent, le paiement de factures, de produits et de services, repose sur un vaste réseau d’agents qui permet de prendre en charge les démarches administratives ne pouvant être réalisées par téléphone. Ce même réseau pourrait être utile à la vente de produits d’assurance. Le mobile banking offre la possibilité de collecter et fractionner, à distance, facilement et à moindre coût, les petits montants de prime adaptés à la micro-assurance. Le paiement des sinistres peut également se faire par ce biais, de manière plus simple et rapide que dans le secteur traditionnel, ce qui renforce la confiance des consommateurs. Les opérateurs téléphoniques bénéficient d’ailleurs, de façon générale, d’une meilleure image que les assureurs. Leurs nombreux outils de communication (call center, SMS, email, etc.) et leur puissance marketing en font des acteurs incontournables. Enfin, leur réseau d’agents leur assure une présence inégalée dans les zones rurales.

En offrant des produits utiles (assurance santé par exemple) à leurs clients atteignant un niveau minimum de consommation mensuelle, ils réduisent la volatilité de leurs abonnés et augmentent leurs revenus (deux indicateurs clés du secteur). Des montages élaborés sur le modèle Freemium (version de base gratuite couplée à des options payantes) permettent de développer une source nouvelle de revenus pour l’opérateur. Malgré des contraintes encore fortes (nécessité d’un contrat écrit, limitation des solutions techniques, fort taux d’illettrisme des usagers réduisant l’efficacité des communications par SMS, etc.), la distribution d’assurances via la téléphonie mobile n’en est qu’à ses débuts. Le secteur de la téléphonie a donc tout intérêt à s’entourer de spécialistes de l’assurance pour concevoir des offres adaptées à sa clientèle. 60 % des Africains n’auront toujours pas accès à l’Internet mobile en 2020, mais la croissance du commerce électronique se fera principalement via la téléphonie mobile. De récentes initiatives concernant l’assurance ont vu le jour avec le partenariat annoncé entre Axa et Jumia (acteur majeur du e-commerce en Afrique). D’autres initiatives similaires verront prochainement le jour. Dans le secteur africain des assurances, l’un des marchés les plus dynamiques au monde, l’avenir appartient à ceux qui sauront innover efficacement et au bon moment. L’assurance agricole Takaful, lancée en 2011 au Kenya, mobilise par exemple à la fois l’imagerie satellitaire pour détecter automatiquement (sans déclaration de sinistre) les zones de sécheresse et la technologie du mobile banking pour payer les primes et les sinistres – le tout s’inspirant du système coopératif des assurances islamiques pour respecter les convictions religieuses locales.

 

1 La Conférence interafricaine des marchés d’assurance (CIMA) est un organisme interétatique qui réunit seize États membres. RÉFÉRENCES McCord, M.J. et Bies, K., « Le paysage de la micro-assurance Afrique 2015 », 2015. Microinsurance Network, 2015.

Frédéric Bouchet

Responsable du marketing international
Gras Savoye

Parcours

Fort de 15 ans d’expérience dans le domaine de l’assurance, Frédéric Boucher a d’abord travaillé chez Gras Savoye Belgique avant d’intégrer les équipes de Gras Savoye International à Paris (2011). Il est titulaire d’un MBA en marketing (universités Bordeaux/Stockholm).

Gras Savoye

Né à Lille en 1907, Gras Savoye est un groupe de courtage d’assurances et de réassurances. Première société de courtage d’assurances en France, Gras Savoye traite toute la chaîne des risques, du conseil au client à la gestion des contrats et des sinistres – en passant par la négociation des contrats avec les assureurs. Gras Savoye fait partie du groupe international de conseil, de courtage et de solutions logicielles Willis Towers Watson, qui compte 39 000 salariés dans plus de 120 pays.

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