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Avec une croissance démographique soutenue et une hausse significative de son PIB sur la période 2007-2016, l’Afrique présente sans aucun doute aujourd’hui un très fort potentiel pour les investisseurs. En dépit d’un certain nombre de retards, le marché du capital-risque est promis à un brillant avenir sur le continent.

Il y a dix ans, il était plus facile de payer ses courses sur son mobile à Nairobi qu’à New York. Le système mobile M-Pesa, mis en place en 2007 par Vodafone pour le groupe de télécommunications kenyan Safaricom et pour son homologue tanzanien Vodacom, a révolutionné le transfert de petites sommes d’argent en Afrique et placé le continent à la pointe du traitement des paiements mobiles. En six mois seulement, un million de Kényans utilisaient déjà M-Pesa ; ils sont aujourd’hui 30 millions (Jeune Afrique, 2017) à le faire à travers toute l’Afrique, effectuant plus de 10 millions de transactions quotidiennes.

Mais depuis M-Pesa, peu d’initiatives ont rencontré un tel succès. Le manque de réseaux de financements et d’appui aux entrepreneurs, ainsi que le nombre relativement faible de personnes ayant un pouvoir d’achat important, ont freiné le développement des entreprises technologiques en Afrique. Cependant, la situation s’améliore : la classe moyenne ainsi que des pépinières de start-up se développent. Aujourd’hui, Amadeus Capital Partners mène des discussions semblables, que ce soit à Cape Town, Nairobi ou Lagos, à celles qu’il avait avec des entrepreneurs de Londres, Berlin ou Stockholm il y a une vingtaine d’années. Dans ces villes africaines, émerge la première vraie génération de start-up en croissance, partant à la conquête du reste du continent – voire au-delà. 

 

D’IMMENSES OPPORTUNITÉS, MAIS DES DÉFIS IMPORTANTS

L’Afrique constitue à long terme, pour les investisseurs, une immense opportunité. Selon les chiffres de la Banque africaine de développement (BAD, 2017), sa population a augmenté d’environ 25 % entre 2007 et 2016 pour atteindre 1,2 milliard d’habitants, tandis que son PIB progressait lui deux fois plus vite, à 2 300 milliards de dollars. Toujours d’après la BAD, la classe moyenne africaine – ceux qui gagnent entre deux et dix dollars par jour – comptait déjà 350 millions d’habitants en 2011. Aujourd’hui, plus de 60 % des Africains disposent d’un téléphone portable, avec lequel ils accèdent régulièrement à Internet. Mais de nombreux défis persistent, parmi lesquels la faiblesse des infrastructures – qu’elles soient physiques ou numériques –, ou la volatilité des marchés des changes, susceptible d’amputer de façon significative la rentabilité des investisseurs. Ces derniers savent d’ailleurs que le progrès économique ne garantit pas le succès du capital-risque – pas plus que le chemin du développement économique n’est un long fleuve tranquille.

L’Inde en est la parfaite illustration. La Banque mondiale prévoit qu’elle sera d’ici dix ans la troisième économie mondiale et ses classes moyennes sont en plein essor. En 2017, le montant des investissements en capital-risque dans des start-up était plus élevé en Inde qu’au Royaume-Uni. Plusieurs entreprises ont atteint des valorisations en milliards de dollars, comme par exemple la plateforme de commerce en ligne Flipkart ou le groupe de paiement mobile Paytm. Mais la réalité est plus complexe, en particulier en ce qui concerne la prospérité des classes moyennes : selon le think tank indien National Council of Applied Economic Research (NCAER, 2014), seulement 40 % de la classe moyenne indienne aurait accès à l’eau courante. Dans les faits, ce sont avant tout les plus riches qui ont bénéficié de la croissance économique. Les données collectées par The Economist (2018) montrent que les ventes de e-commerce n’ont presque pas progressé en 2016, et qu’en 2017, elles ont augmenté à peine plus que leur croissance mondiale moyenne, soit 20 %. Les dollars du capital-risque seraient-ils alors mieux investis ailleurs ? En tant que région, l’Amérique latine est probablement la plus riche et la plus développée de tous les marchés émergents. Dans une perspective de capital-risque, c’est la seule qui ait su créer jusqu’ici des start-up technologiques qui sont devenues des entreprises de tout premier plan, avec des sorties réussies par introduction en bourse ou via des fusions-acquisitions. Parmi celles qui sont désormais cotées au Nasdaq ou à la bourse de New York, il y a le voyagiste en ligne brésilien Despegar.com, la plateforme Mercado Libre, ou l’Argentin Globant. L’Asie du Sud-Est n’est pas loin derrière. Elle présente aussi certains défis, comme la logistique de l’archipel indonésien, avec plus de 17 000 îles, dont la moitié sont inhabitées. Mais la région produit beaucoup de start-up, principalement à Singapour et Kuala Lumpur – et leur réseau s’étend. On y trouve aussi de plus en plus de fonds pour soutenir les start-up au stade initial, et les grandes entreprises montrent de l’intérêt pour ces jeunes pousses – notamment les grands acteurs chinois de l’Internet. À ce stade, il n’y a pas encore eu de sorties réussies pour attester de la pertinence de ce marché pour le capital-risque, mais cela devrait être le cas d’ici trois à cinq ans.  

 

LES CENTRES NÉVRALGIQUES DU CAPITAL-RISQUE EN AFRIQUE

Qu’en est-il de la place de l’Afrique dans tout cela ? Le continent ne part pas de très haut, mais rattrape rapidement son retard en termes de développement. Lorsqu’Amadeus a lancé son Digital Prosperity Fund, il a ouvert un bureau au Cap pour être au plus près du plus grand centre technologique en Afrique. Ce Silicon Cape abrite plus de 400 start-up, soit plus de 60 % du total pour tout le continent. En outre, les universités de Cape Town et de Stellenbosch sont des établissements de niveau international, qui constituent un terreau fertile pour beaucoup d’autres idées brillantes. Les entreprises qui naissent au Cap ont un solide savoir-faire entrepreneurial et des ambitions internationales. Travelstart, dans lequel Amadeus a investi 40 millions de dollars en 2016 aux côtés de MTN (opérateur mobile sud-africain), a été fondée par Stephan Eckberg qui, avant de s’intéresser à l’Afrique du Sud, avait d’abord monté puis revendu une agence de voyages en ligne en Suède. L’apport de capital d’Amadeus a permis à Travelstart d’asseoir sa position en Afrique du Sud, puis de monter en puissance au Nigeria, au Kenya et en Égypte.

D’autres marchés africains affichent également du potentiel, mais dans une moindre mesure. Environ 150 entreprises ont vu le jour dans la Silicon Savannah, centrée sur Nairobi, la capitale kényane. Aucune n’a cependant réitéré la réussite de M-Pesa. On y trouve des entrepreneurs et des investisseurs actifs, mais le marché potentiel local est relativement étroit, ce qui ne permet pas d’accéder rapidement à la taille critique. Et, faute de cette assise sur leur marché national, les entreprises ont du mal à obtenir les fonds nécessaires à un développement panafricain. Cette situation est à comparer notamment à celle d’un centre plus récent, celui de Yaba, dans la banlieue de Lagos, au Nigeria. Alors qu’il n’abrite qu’une petite cinquantaine de start-up, la taille respectable du marché nigérian, liée à l’intérêt que suscite localement toute nouvelle technologie, a permis à certaines entreprises de progresser très vite. La société Jumia, fondée en 2012 et active dans le e-commerce, la finance et la recherche d’emploi, a été la première à franchir le cap du milliard de dollars de capitalisation. Dans dix ans (la durée de vie classique d’un fonds de capital-risque) Lagos sera probablement devenue un nouveau centre technologique majeur en Afrique.  

 

L’AFRIQUE, L’UNE DES DERNIÈRES FRONTIÈRES À EXPLORER POUR LE CAPITAL-RISQUE

Même si le e-commerce, les fintechs et les marketplaces restent les principaux thèmes d’investissement, reflétant une tendance générale propice au secteur des nouvelles technologies, certaines start-up s’intéressent à des problèmes plus spécifiquement africains. « Le solaire en tant que service » (Solar as a Service) permet par exemple à des millions d’Africains de zones reculées d’accéder à l’électricité grâce à des panneaux solaires portatifs, pilotés – et payés – depuis un téléphone mobile. Ainsi, la société M-Kopa, derrière laquelle on retrouve les mêmes soutiens que chez M-Pesa, a connecté à l’énergie solaire plus de 600 000 foyers d’Afrique de l’Est. Elle a aussi commandé à un fabricant local 500 000 panneaux photovoltaïques pour faire face à la demande attendue sur les deux prochaines années.

Là où il y a des opportunités, il y a aussi des défis. Pour les activités de e-commerce, les infrastructures de distribution sont souvent inexistantes ; les sites de ventes en ligne doivent donc mettre en place leurs propres réseaux. En outre, dans beaucoup de marchés émergents, des articles considérés comme de petits achats selon les critères de marchés développés (par exemple, une paire de baskets), sont réglés en plus de douze mensualités. Lorsque le client n’a ni carte de crédit, ni compte bancaire, le paiement s’effectue en espèces, à la livraison. Pour l’investisseur, il ne faut pas perdre de vue non plus le risque macroéconomique. Des fluctuations brutales de devises peuvent en effet effacer une bonne  partie du bénéfice annuel lorsqu’il est converti en dollars ou en euros. Sur une durée d’investissement classique, une croissance annuelle à deux chiffres est à même de compenser de telles variations de change, mais les investissements  à plus court terme peuvent en être affectés de façon disproportionnée.

L’Afrique commence à produire des start-up d’envergure internationale et sa population, qui ne cesse de croître, est friande d’adoption technologique et de consommation – souvent en sautant l’étape de l’Internet fixe au profit du mobile. Pour les investisseurs financiers, il s’agit de consolider le marché afin de permettre l’émergence d’un leader dont la taille est suffisante pour intéresser un acquéreur stratégique ou pour entrer en bourse, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle génération de start-up. Cependant, l’évolution prendra encore du temps, et il y aura en chemin des revers et des défis à  surmonter. Pour autant, l’Afrique représente l’une des dernières frontières à conquérir pour l’investissement en capital-risque : le développement du continent promet de constituer, à long terme, une opportunité absolument majeure.

 

Références :
Laure Broulard, Mark Anderson, « Mobile banking : une success-story nommée M-Pesa », Jeune Afrique, avril 2017. Disponible sur Internet : http://www.jeuneafrique.com/mag/421063/economie/mobile-banking-success-storynommee-m-pesa/
Banque africaine de développement, Annuaire statistique pour l’Afrique 2017, 2017.
National Council of Applied Economic Research, “Only 40 per cent of middle class has piped water connection: survey”, avril 2014. Disponible sur Internet : http://www.ncaer.org/news_details.php?nID=55
The Economist, « The elephant in the room. India’s missing middle class », janvier 2018. Disponible sur Internet : https://www.economist.com/news/briefing/21734382-multinationalbusinesses-relying-indianconsumers-face-disappointmentindias-missing-middle

Associé
Amadeus Capital Partners

Parcours

Associé chez Amadeus Capital Partners Andrea Traversone a rejoint Amadeus en 1998. Il est aujourd’hui associé et spécialisé dans le secteur de la mobilité. Il pilote notamment les investissements du fonds Amadeus Digital Prosperity. Andrea est en outre administrateur de plusieurs sociétés (Igenomix, Travelstart et ip.access). Il a débuté sa carrière dans l’audit financier pour une chaîne d’hôtels au Costa Rica, avant d’en devenir le responsable opérations, finances et développement. Andrea est titulaire d’un MBA de Cambridge et d’un BSc en économie de la London School of Economics

Amadeus Capital Partners

Amadeus Capital Partners est un investisseur international spécialisé dans le secteur des technologies. Depuis 1997, la société a soutenu plus de 130 entreprises, et levé des fonds pour plus d’un milliard de dollars. Les investissements d’Amadeus Captial Partners concernent les services aux consommateurs, les fintechs, l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les technologies médicales, la santé numérique et les médias en ligne.