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Ces dernières années, un certain nombre d’IFD ont annoncé le lancement de programmes d’investissement en capital-risque pour l’Afrique. Ces initiatives devraient favoriser le développement de l’activité des start-up sur tout le continent et contribuer à l’essor de l’écosystème du capital-risque en Afrique, pour déboucher sur la création d’emplois et la croissance économique.

Un certain nombre d’institutions de financement du développement (IFD) ont annoncé ces dernières années de nouveaux programmes d’investissement en capital-risque (CR) pour l’Afrique. En 2016, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque africaine de développement (BAD) ont ainsi lancé une initiative conjointe baptisée Boost Africa, un partenariat qui déploiera jusqu’à 150 millions d’euros dans le secteur du capital-risque en Afrique, et qui devrait accompagner plus de 1 500 start-up et PME sur tout le contient. Plus récemment, fin 2017, l’équipe CDC Intermediated Equity a obtenu les accords nécessaires au lancement d’un programme d’investissement dans le CR africain, qui consistera initialement à déployer jusqu’à 75 millions de dollars dans 6 à 8 fonds de capital-risque, sur 3 ou 4 ans. Les financements peuvent également être obtenus auprès du fonds CDC Impact Fund, qui continuera pour sa part à sélectionner certains investissements dans des fonds de CR. Les raisons de cet engagement des IFD dans le capital-risque africain sont nombreuses. L’investissement dans des fonds de CR est généralement la façon la plus efficace de financer les petites entreprises nées des progrès technologiques, et de soutenir l’entrepreneuriat. La plupart de ces start-up développent en outre une technologie qui leur permettra de structurer des marchés aujourd’hui informels, ou d’apporter des solutions à des problèmes locaux dans des domaines tels que l’agriculture, la santé, l’éducation ou les services financiers. De façon plus générale, on constate que le développement du marché du capital-risque alimente la croissance économique et favorise la création d’emplois. On estime à un peu moins de 40 % la part des nouveaux emplois créés ces 40 dernières années aux États-Unis par des entreprises adossées au capital-risque (Stanford, 2015). Si ces données sont moins immédiatement disponibles pour les marchés émergents, les premiers éléments indiquent toutefois que l’impact du capital-risque sera, là aussi, significatif. En Chine, où un marché du CR se développe depuis une quinzaine d’années, on estime que les entreprises financées par le capital-risque ont déjà créé 10 millions de nouveaux emplois.  

 

POURQUOI LE FINANCEMENT DES IFD EST UNE NÉCESSITÉ

Le capital-risque a le potentiel de générer des rendements élevés, mais un investissement dans une entreprise en phase de démarrage (que ce soit directement ou au travers d’un fonds) est intrinsèquement risqué. Sur les marchés en voie de développement, ce risque est encore plus marqué, ce qui dissuade les investisseurs institutionnels privés, à l’exception des plus expérimentés, de s’aventurer sur cette classe d’actifs. Beaucoup de fonds établis au Royaume-Uni ont déjà des difficultés à lever des capitaux sans le soutien de la British Business Bank ou du Fonds européen d’investissement (EIF) ; compte tenu de l’immaturité du CR en Afrique, il serait donc très probablement impossible pour un fonds de capital-risque africain de lever du capital sans le soutien des IFD.

 

ÉVOLUTION DE L’ÉCOSYSTÈME DU CAPITAL-RISQUE AFRICAIN

Au cours des 20 années que j’ai passées à investir dans des fonds de capital-risque internationaux, j’ai eu le privilège d’assister à l’émergence d’un certain nombre de nouveaux marchés sur ce segment – d’abord en Europe à la fin des années 1990, puis en Chine au début des années 2000, et en Inde une demi-décennie plus tard. Si le marché du capital-risque africain en est encore à ses débuts, il présente néanmoins une bonne partie des signaux qui caractérisaient le CR en Europe, en Chine et en Inde juste avant que leurs écosystèmes ne parviennent à maturité.

1.LA MIGRATION INVERSE
Beaucoup d’histoires individuelles témoignent de l’augmentation des retours d’entrepreneurs comme le Nigérian Iyinoluwa Aboyeji, qui a quitté le Canada en 2013 pour fonder d’abord Andela puis, plus récemment, Flutterwave. On voit aussi apparaître des sociétés telles que Movemeback, conçues pour aider ces « repats » à retrouver un emploi sur le continent africain.

2.LE DÉVELOPPEMENT DE HUBS RÉGIONAUX
Aux États-Unis, une grande partie de l’activité liée au capital-risque se concentre dans la Silicon Valley. En Asie, ces hubs sont apparus dans des villes clés comme Pékin et Shanghai (en Chine), ou Bangalore et Mumbai (en Inde). Sur le continent africain, des hubs commencent à voir le jour en Afrique du Nord (Le Caire), de l’Est (Nairobi), de l’Ouest (Lagos), et du Sud (Cape Town)  

3. AUGMENTATION DES VOLUMES DE TRANSACTIONS
En 2017, les investisseurs en capital-risque ont apporté 560 millions de dollars à 124 start-up soutenues par du CR, soit une augmentation du capital investi de 53 % sur une année (Partech Ventures, 2018).

4. PARTICIPATION CROISSANTE DU CR VENU DES ÉTATS-UNIS
En Chine, c’est l’arrivée du CR américain qui avait alimenté le développement du marché. Ces deux dernières années, des acteurs américains de premier plan ont financé un certain nombre d’entreprises africaines, parmi lesquelles Andela (Spark Capital), Flutterware (Social Capital), Instabug (Accel) et Zipline (Andreessen Horowitz).

5. NOUVEAUX ENTRANTS SUR LE MARCHÉ
Parmi les sociétés de capital-risque arrivées ces dernières années avec de nouveaux fonds sur le marché africain, on compte des acteurs locaux qui lèvent du capital institutionnel pour la première fois, des acteurs européens bien établis qui créent leurs premiers fonds de CR axés sur l’Afrique, comme Partech et TLcom, mais aussi des acteurs américains chevronnés qui lancent de nouveaux fonds ciblant le continent africain, comme Raba Capital. Ces sociétés viennent s’ajouter aux fonds de CR locaux de type « impact », comme Novastar Ventures ou Energy Access Ventures. Le marché du capital-risque en Afrique affiche incontestablement des signes de croissance prometteurs ; reste à savoir le temps que mettra l’écosystème à grandir suffisamment pour soutenir localement une création significative d’entreprises et d’emplois. En Chine, ce marché du CR s’est développé relativement vite (en 15 ans), mais la croissance de l’écosystème européen a pris davantage de temps (plus de 20 ans). En Afrique, on retrouve des caractéristiques de chacune de ces deux régions, et il est probable que le marché mettra au moins 15 ans à atteindre sa pleine maturité.  

 

DÉVELOPPER UN PROGRAMME D’INVESTISSEMENT EN CAPITAL-RISQUE

Au départ, le nouveau programme de capital-risque Intermediated Equity de CDC se concentrera exclusivement sur l’investissement dans des fonds de CR. Nous sommes convaincus que c’est la meilleure approche pour CDC à ce stade. Elle nous permettra de construire un portefeuille diversifié, de façon à minimiser le risque, et de prendre appui le plus efficacement possible sur nos compétences et nos équipes actuelles. Pendant la première phase du programme, nous prévoyons d’apporter, sur les 3 ou 4 années à venir, jusqu’à 75 millions de dollars. Ces fonds seront déployés sur 6 à 8 fonds de CR axés sur l’Afrique et qui se situent en période d’amorage ou à un stade initial de leur développement. Sachant qu’il faut généralement 6 à 8 ans pour sortir d’un investissement consenti à un stade initial, nous prévoyons que le programme comportera au moins deux phases supplémentaires, et que sa durée totale sera d’environ 10 ans. Nous avons choisi de cibler le capital-amorçage et les stades initiaux, parce que c’est là que nous identifions la plus grosse lacune à combler dans le marché. Notre intention est de réduire le risque par la diversification géographique du portefeuille, avec une exposition aux quatre grands hubs d’Afrique du Nord, de l’Est, de l’Ouest et du Sud.

L’investissement dans des fonds de CR est comparable à l’investissement en private equity, mais avec certaines différences. Nous avons donc mis en place de nouveaux processus et de nouvelles procédures pour conduire ce programme. Nous avons ainsi fait évoluer notre due diligence pour la rendre plus qualitative (afin de refléter l’importance du relationnel et le manque de données quantitatives dans le secteur). Nous avons aussi développé une approche sur mesure des critères ESG (pour prendre en compte la taille réduite des équipes dirigeantes et l’étroitesse des marges de manoeuvre). Enfin, nous avons apporté des modifications à nos conditions d’intervention standards (pour prendre en compte les besoins importants en capital dit « de suivi »). Nous travaillons aussi de façon proactive avec toute la communauté des IFD au partage des expériences et des compétences, ainsi qu’à certains processus de due diligence sur des fonds spécifiques. Comme étape initiale à cette collaboration élargie, nous avons organisé en décembre 2017 un premier Forum des IFD sur le capital-risque.  

 

IFD ET VALEUR AJOUTÉE AUX INVESTISSEMENTS EN CAPITAL-RISQUE

Nous sommes convaincus que la communauté des IFD a devant elle une opportunité de contribuer au développement du marché de capital-risque en Afrique. Les IFD peuvent en effet combler les vides du marché, et ancrer les principaux fonds de CR, afin d’assurer un capital suffisant pour permettre de financer des start-up sur tout le continent. Nous sommes à même de mobiliser le capital au sein de la communauté des IFD elle-même, mais aussi de la part d’investisseurs institutionnels, de façon à garantir que les gestionnaires seront en mesure d’atteindre les tailles cibles fixées pour leurs fonds. Nous sommes également convaincus qu’une opportunité nous est offerte de produire de la valeur ajoutée. Bien qu’il existe au cas par cas en Afrique des sociétés de capital-risque expérimentées, bien peu de leurs dirigeants ont eu l’occasion de bâtir une société de capital-risque, de construire intégralement un portefeuille et de négocier avec les investisseurs institutionnels. C’est évidemment un domaine dans lequel les IFD peuvent apporter leur soutien. Nous pouvons contribuer à instaurer des standards de gouvernance exigeants, au sein des fonds comme dans les entreprises qu’ils ont en portefeuille.

Nous croyons aussi à la possibilité de prendre appui sur nos réseaux en Afrique pour aider à l’identification des futurs salariés, conseillers et membres de conseils d’administration. Chez CDC, nous comptons aussi activer nos réseaux dans le monde du capital-risque aux États-Unis et en Europe, pour sensibiliser l’ensemble du secteur au capital-risque africain, pour mobiliser le capital de suivi au bénéfice des entreprises ayant atteint un stade ultérieur de développement, et pour faciliter le transfert de compétences et d’expérience RÉFÉRENCES entre les États-Unis et l’Afrique.

 

RÉFÉRENCES
Will Gornall, Ilya A. Strebulaev, The Economic Impact of Venture Capital: Evidence from Public Companies, Stanford, 2015. Disponible en anglais sur https://www.gsb.stanford.edu/faculty-research/working-papers/economic-impact-venture-capitalevidence-public-companies
Cyril Collon, “In another recordbreaking year, African Tech Start-ups Raised US$ 560 Million in VC funding in 2017, a 53% YoY Growth”, Partech Ventures, 2018. Disponible en anglais sur https://www.linkedin.com/pulse/another-record-breaking-year-africantech-start-ups-raised-collon/?trackingId=6ncsYxVeIpYLqWvU8n6CNg%3D%3D&utm_medium=social&utm_source=twitter&utm_content=xAe21vGswmsd5fHFmjgxwt-OyAMYC_j7eUHnzZKEAi4

Michelle Ashworth

Consultante en capital-risque
CDC

Parcours

Michelle Ashworth est consultante en capitalrisque auprès de CDC Group, l’institution britannique de financement du développement, qu’elle conseille sur toutes les activités relatives au capital-risque, en Asie du Sud comme en Afrique. Elle est également responsable du capital-risque pour le fonds d’investissement de l’Église d’Angleterre, la Church Commissionnaire for England. Elle était auparavant Directrice de l’investissement dans les fonds pour VenCap Intenational plc, un fonds de fonds de capitalrisque. Elle est titulaire d’un diplôme en stratégie financière de la Said Business School, à l’université d’Oxford, ainsi que d’un DEA en mathématiques pures et d’une licence en mathématiques de l’université de Birmingham.

CDC

CDC est l’institution de financement du développement du Royaume-Uni. Sa mission est d’apporter un soutien à la création d’entreprises en Afrique et en Asie du Sud, dans le but de créer des emplois dans des régions qui comptent parmi les plus pauvres du monde. CDC concentre ses investissements sur des pays présentant une faiblesse du secteur privé, où les emplois sont rares et le climat de l’investissement peu propice, en mettant particulièrement l’accent sur les secteurs où la croissance contribue directement à la création d’emploi.