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Avec la collaboration du Groupe de travail du CGDF : Marta Viegas-Rocha (IDB Invest), Présidente ; Sanaa Abouzaïd (SFI) ; Elisabeth Alpe (ADB) ; Vassilis Christakis (BSTDB) ; Andres Oneto (CAF) ; Shirley Payet-Jacob (CDC) ; Jasper Veel (FMO) ; Erik Wessels (DEG)

Les bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise ont un impact direct sur les performances et la valeur des entreprises. De plus, elles sont une composante essentielle de l’éthique des affaires. Ainsi, elles sont partie intégrante du développement durable. C’est la raison pour laquelle l’appui au développement des bonnes pratiques est devenu un important volet des missions des institutions financières de développement (IFD).

Cet article est extrait du numéro 30 sur la gouvernance d’entreprise

On trouve des institutions financières de développement sur tous les continents. Elles peuvent être multilatérales, à l’instar de la SFI ou d’IDB Invest ; elles peuvent, comme Proparco ou Norfund , être bilatérales. Certaines ont une vocation purement nationale, comme la Nafin mexicaine. Toutes ont pour rôle de financer les entreprises privées des pays de leur champ d’intervention, afin de créer de la richesse et des emplois, tout en développant les bonnes pratiques sociales, environnementales et, bien sûr, de gouvernance.

Conscientes de la convergence de leurs missions et de leur philosophie d’intervention, elles ont décidé de se réunir sous forme d’une association informelle autour d’une charte commune, le « Corporate Governance Development Framewok » (CGDF), adoptée en 2011 à Washington. Les signataires sont à ce jour 35, venus du monde entier . Par ce texte fondateur, les IFD s’engagent à échanger régulièrement des informations, mettre en place une stratégie commune, des outils d’analyse et d’action communs, et à développer une politique proactive vis-à-vis de leurs clients en faveur des bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise .

Chaque IFD déroule ses propres programmes et ses propres actions, en fonction de ses priorités ou de ses moyens. Une action cependant leur est commune : l’évaluation de la gouvernance des clients.

Sur ce socle commun, chaque IFD déroule ses propres programmes et ses propres actions, en fonction de ses priorités ou de ses moyens. Une action cependant leur est commune : l’évaluation de la gouvernance des clients avec pour conséquence l’élaboration, la négociation et la mise en place de plans d’amélioration, qui peuvent être accompagnés d’une assistance technique.

Diagnostic de la gouvernance, plan d’action et assistance technique

Les prêts ou les prises de participation sont l’occasion d’une évaluation de la gouvernance et de la mise en place de plans d’action.

Lorsqu’une IFD entre en relation financière avec une entreprise ou une banque, elle établit un diagnostic de sa gouvernance , en prenant en considération cinq groupes de paramètres : la structure et le fonctionnement du conseil d’administration ; l’organisation et le fonctionnement du contrôle interne ; la qualité du contrôle externe et la transparence de l’entreprise ; les droits des actionnaires (équité entre les actionnaires et les groupes d’actionnaires), la gestion des transactions entre parties liées et des conflits d’intérêt. Elles évaluent également un grand chapitre transversal, « l’engagement pour une bonne gouvernance », qui regroupe : les actes posés par l’entreprise démontrant un engagement réel de sa part (existence d’une charte de bonne gouvernance, par exemple) ; la situation hyper-dominante ou non d’un actionnaire majoritaire, le rôle et les éventuels privilèges de la famille lorsqu’il s’agit d’une société familiale ; les questions de succession aux postes clefs. Il s’agit donc d’une vision très large de la gouvernance, proche de l’exhaustivité.

Bien entendu, les IFD prennent en compte la taille de l’entreprise et le contexte culturel dans lequel elle évolue : on ne pourra pas à l’évidence avoir les mêmes attentes s’agissant d’une petite entreprise ou d’une multinationale. De même, il conviendra de tenir compte, par exemple, du rôle prééminent de la famille du fondateur dans certaines géographies, y compris pour des entreprises qui ont déjà atteint un niveau international. Cependant, il n’y a qu’une différence de degré, en aucun cas une différence de nature, quant aux structures que l’on promeut, car les principes du gouvernement d’entreprise sont universels : partout on attend une gouvernance qui respecte les obligations légales, le fair play à l’égard des parties prenantes, la transparence à l’égard des actionnaires, une organisation claire des pouvoirs entre la direction générale et les organes de gouvernance, un contrôle efficace de l’activité opérationnelle et financière.

Le diagnostic dirigé par les IFD peut être entrepris par leurs propres équipes ou par des consultants externes. Sur la base du constat réalisé, des recommandations sont émises. Elles peuvent, le cas échéant, prendre la forme d’un plan d’action destiné à mettre à niveau la gouvernance.

Le diagnostic dirigé par les IFD peut être entrepris par leurs propres équipes ou par des consultants externes. Sur la base du constat réalisé, des recommandations sont émises. Elles peuvent, le cas échéant, prendre la forme d’un plan d’action destiné à mettre à niveau la gouvernance. Diagnostic et plan d’action sont systématiquement partagés avec le chef d’entreprise, les principaux cadres dirigeants et le conseil d’administration, car le véritable moteur du changement est l’entreprise elle-même.

Lorsque la situation l’exige et que le chef d’entreprise le souhaite, les IFD peuvent co-financer avec le partenaire une assistance technique en matière de gouvernance. C’est le cas lorsque les mesures à prendre sont particulièrement pointues ou qu’elles exigent la présence récurrente d’un spécialiste. Il peut s’agir de formations, de rédaction de chartes ou de règlements internes, d’organisation interne de l’entreprise, de mise en place de procédures. Là encore, il s’agit d’accompagner l’entreprise dans ses efforts, en mettant à sa disposition non seulement des moyens financiers, mais aussi les ressources humaines nécessaires.

Les fonds d’investissement comme intermédiaires pour promouvoir les bonnes pratiques

Les IFD sont – de plus en plus – souvent partenaires de fonds d’investissement, soit parce qu’elles entrent à leur capital, soit parce qu’elles co-investissent à leurs côtés dans une entreprise. Ce type d’intervention est aussi l’occasion de promouvoir les bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance et permettre ainsi un accroissement de la valeur du sous-jacent. S’agissant de la gouvernance, les IFD incitent les fonds d’investissement à appliquer pour leurs sous-jacents les mêmes règles que celles qu’elles promeuvent pour leurs propres clients. Certains confrères, à l’instar du FMO ou d’Obviam, en font même une obligation contractuelle.

Formation des clients et sensibilisation

Nombreuses sont les IFD qui proposent des formations groupées ou individuelles aux clients ou aux prospects. Si possible, les formations groupées sont organisées en partenariat avec les structures représentatives du secteur privé . Citons également le principe de conférences thématiques, à l’instar de celle organisée par Proparco au printemps 2018 à Yaoundé. A ces actions s’ajoutent la mise à disposition de documents types pour faciliter le travail des entrepreneurs et des conseils d’administration (règlements internes d’un conseil d’administration et des comités associés, charte de politique familiale, etc.).

Les IFD sont – de plus en plus – souvent partenaires de fonds d’investissement, soit parce qu’elles entrent à leur capital, soit parce qu’elles co-investissent à leurs côtés dans une entreprise. Ce type d’intervention est aussi l’occasion de promouvoir les bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance.

La gouvernance d’entreprise, le fruit de l’expérience des acteurs

La particularité des bonnes pratiques de gouvernance, c’est précisément d’être des bonnes pratiques, c’est-à-dire qu’elles se constituent et évoluent essentiellement par la confrontation de l’expérience des acteurs. Les Etats légifèrent somme toute assez peu dans ce domaine . Si bien qu’il revient le plus souvent aux organisations professionnelles de coucher sur le papier les pratiques conseillées, et de veiller à leur application. Dans cette hypothèse, les bonnes pratiques ne sont pas obligatoires, elles sont préparées par les acteurs économiques, pour les acteurs économiques. Mais les groupements professionnels incitent fortement leurs membres à s’y conformer, ou à expliquer les raisons pour lesquelles ils préfèrent s’en abstraire (principe Comply or Explain). Ce rôle de réflexion, de compilation et de publication des associations professionnelles est souvent complété – lorsqu’elles en ont les moyens – par une action en matière de formation et de sensibilisation.

C’est pour ces raisons que certaines IFD, à l’instar de la SFI, d’IDB Invest, de la CAF, sont très investies dans le développement des réseaux professionnels : instituts de gouvernance d’entreprise, associations d’administrateurs, associations de « corporate secretaries » ainsi que dans l’appui à la publication de Codes de bonne gouvernance dans les pays émergents et en développement.

Il convient également de noter que les institutions financières diffusent des ouvrages de référence et des outils d’analyse à l’usage des acteurs de la gouvernance, chefs d’entreprise et administrateurs. Elles complètent ainsi les travaux des réseaux spécialisés. Le but est d’offrir des ouvrages pratiques, didactiques, directement utilisables par les professionnels.

La particularité des bonnes pratiques de gouvernance, c’est précisément d’être des bonnes pratiques, c’est-à-dire qu’elles se constituent et évoluent essentiellement par la confrontation de l’expérience des acteurs.

L’action des institutions financières de développement en faveur du développement d’entreprise est multiforme et leur offre ne cesse de croître. Au-delà du diagnostic des entreprises, du conseil et de l’assistance technique, elles proposent des formations, des ouvrages de référence et apportent un appui aux corps intermédiaires investis dans la gouvernance. Elles remplissent ainsi leur mission qui consiste à apporter aux économies en développement une valeur ajoutée financière et non-financière.

Notes de bas de page :
1 Protocole d’accord pour le développement du gouvernement d’entreprise
2 Société Financière Internationale, filiale de la Banque Mondiale.
3 Banque Interaméricaine de Développement
4 Institution financière de développement de la Norvège
5 Certaines IFD peuvent avoir un rôle élargi au financement des entreprises à participation publique.
6 Il existe par ailleurs des groupes de travail régionaux pour promouvoir des collaborations parfois très poussées : ainsi, les institutions européennes sont regroupées au sein des EDFI (European Development Financial Institutions)
7 Nonobstant les diligences en matière financière, sociale et environnementale.
8 FMO : Nederlandse Financierings-Maatsschappij voor Ontwikkelingslanden, société néerlandaise de financement du développement. Obviam : conseil en investissement indépendant suisse spécialisé dans les pays en développement et les pays émergents, issu de Swiss Investment Fund for Emerging Markets (SIFEM).
9 Ainsi les séminaires de formation organisés par IDB Invest ou la CAF pour les banques sud-américaines, d’ailleurs ouvertes aux clients des autres signataires du CGDF, ou le cycle de conférences de l’INADCI à Abidjan, avec le concours de la SFI.
10 A l’exception de l’activité bancaire et financière souvent très encadrée.