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Au coeur du tissu économique d’Afrique subsaharienne, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE/PME) font souvent face à un manque d’accès au financement. Ce dernier constitue l’un des principaux obstacles à leur développement. Afin de mieux comprendre les mécanismes de défaut des TPE/PME africaines, l’Agence Française de Développement (AFD) a produit une étude, en 2019, dont voici quelques-uns des enseignements.

En Afrique subsaharienne, comme dans le reste du monde, les économies nationales se caractérisent généralement par un grand nombre de très petites, petites et moyennes entreprises (TPE/PME) qui constituent l'essentiel des possibilités d'emploi. Néanmoins, la croissance économique accélérée qu’ont connue de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, au cours de la dernière décennie, ne s'est pas accompagnée d'une création d'emplois ou d'une répartition plus équitable des richesses dans la société. Ainsi, les gouvernements africains cherchent aujourd’hui à repenser la manière de stimuler une croissance économique inclusive, et répondre aux exigences des communautés en voie d'urbanisation rapide et à l’augmentation croissante des jeunes dans la population. La création et la croissance des PME en est un axe fort, car ces dernières sont un élément fondamental du tissu économique. Pour autant, la création et le développement des PME en Afrique sont fortement restreints, notamment à cause d’un manque d’accès au financement.

 

Lever l’obstacle de l’accès au financement

En effet, devant les problèmes de gouvernance, d’insuffisance des infrastructures ou de fiscalité abusive, l’accès au financement est le premier des obstacles à la croissance des petites entreprises en Afrique subsaharienne. Les PME se trouvent souvent restreintes dans l'accès aux capitaux dont elles ont besoin pour croître et se développer. L’offre de capitaux (dettes, fonds propres) est donc inadéquate et les PME sont perçues de façon négative par les acteurs du financement. Toutefois, le statut juridique d’une PME importe peu pour les banques, qui leur accordent difficilement des prêts en fonction du risque qu’elles représentent. La capacité d'accès de nombreuses entreprises au financement est fortement liée aux taux d'intérêt. L’Agence Française de Développement (AFD) intervient depuis 15 ans dans les pays en développement pour soutenir l’accès au financement des PME via un produit de garantie : ARIZ. Ayant à sa disposition des données diversifiées sur près de 7 400 lignes de prêts garanties dans sa zone d’intervention, l’AFD a souhaité produire une analyse inédite des causes de défaut des PME en Afrique subsaharienne. Parue en 2019, cette étude a permis de relever plusieurs constats.

 

Une étude, plusieurs constats

Le premier d’entre eux est que le défaut est occasionné dans la moitié des cas par une cause unique et dans l’autre moitié par une multitude de facteurs combinés (de 2 à 10 facteurs cités). Les dix causes de défaut de prêt les plus citées — dans au moins 10 % des cas — étant : 1. Les problèmes liés aux fournisseurs, aux sous-traitants ou aux clients de l’entreprise (36 % des cas) ; 2. De mauvais choix managériaux ayant un impact sur la gestion, l’organisation, l’efficacité et les profits de l’entreprise (29 % des cas) ; 3. La modification des caractéristiques du marché en cours de projet – évolution des potentiels de débouchés : concurrence, consommateurs, chocs de demande, baisse des ventes, etc. (23 % des cas) ; 4. Les choix financiers et systèmes de financement (18 % des cas) ; 5. L’environnement financier ; 6. Le déficit de compétences du gestionnaire de l’entreprise ; 7. Les problèmes liés aux infrastructures locales ou aux difficultés de fonctionnement de l’écosystème local ; 8. La connaissance par le bénéficiaire final de l’existence d’un dispositif de garantie ; 9. Le niveau de risque pris par la banque ; 10. L’environnement politique et social.

Les PME sont sensibles en premier lieu aux problèmes liés aux retards de paiements par les clients (État inclus), et souffrent d’un manque de structuration et d’un manque de compétences managériales qui conduisent à de mauvais choix managériaux (diversification excessive) ou financiers (montant de prêt trop élevé, coût de la dette trop important). Elles sont par ailleurs sensibles aux problèmes liés aux infrastructures locales (routières et énergétiques, ponctuellement ou chroniquement défaillantes), mais aussi aux crises politiques. Les crises environnementales sont aujourd’hui peu citées. Les politiques de soutien aux PME (de l’accélération des procédures d’enregistrement des entreprises à l’instauration des registres de garanties) sont déterminantes pour le bon fonctionnement des affaires mais elles sont défaillantes dans les pays de l’étude. De même, la communication de la part des gouvernements auprès des PME sur les actions de soutien poursuivies est souvent insuffisante. Tous prêts confondus, le premier impayé des entreprises en défaut est intervenu au bout de 40 % de la durée totale du prêt. Le pourcentage garanti n’est pas discriminant ni le ratio montant des suretés/montant du prêt. Les « petits » prêts (inférieurs à 300 000 euros) et les prêts plus « importants » (supérieurs à 300 000 euros) sont affectés de façon très distincte. Les prêts les plus importants sont plus sensibles aux modifications du marché. Le risque de mise en jeu est fortement élevé dans le cas des entreprises qui ne sont pas déjà clientes de la banque : ce risque s’élève à 64 %. Cependant, ce risque est considérablement réduit lorsque la durée du prêt est comprise entre 12 et 24 mois. Lorsqu’une entreprise est déjà cliente de la banque prêteuse, la taille de l’entreprise est discriminante sur le risque de mise en jeu : les entreprises de moins de 5 salariés (9 % de l’échantillon global) ont un plus fort taux de défaut (27 %) que celles de plus de 5 salariés (88 % de l’échantillon global, 5 % de taux de défaut). Dans une moindre mesure, la connaissance par le client d’une garantie ARIZ et le niveau de risque pris par la banque sont deux facteurs de défaut récurrents. Enfin, un certain nombre de facteurs n’a pas d’effet sur le risque de défaut de l’entreprise : montant du prêt en euros, nature du prêt, type de taux, pourcentage du prêt garanti, type d’investissement, âge de l’entreprise, chiffre d’affaires de l’entreprise. Il est par ailleurs intéressant de noter qu’une divergence a été observée entre le discours de nos interlocuteurs et les résultats de l’étude statistique : si l’on considère la population totale des entreprises couvertes par la garantie ARIZ, il n’y a statistiquement pas plus de risque de défaut selon les secteurs sur l’ensemble des quatre pays étudiés. Cette étude a donc permis au Groupe AFD de mieux connaître les causes de défaut des PME en Afrique subsaharienne, permettant ainsi de pouvoir faire évoluer son offre de produits pour soutenir leur accès au financement.

Nicolas Picchiottino

Chargé d’affaires senior
Proparco

Parcours

Chargé d’affaires senior au sein de la division institutions financières de Proparco depuis cinq ans et spécialiste des garanties, Nicolas Picchiottino est aussi chef de projet sur EURIZ, la nouvelle facilité de garanties permettant de couvrir les PME à fort impact développemental. Il a été pendant six ans économiste conjoncturiste, en Guyane puis sur l’ensemble des géographies de l’outre-mer français. Il est diplômé de l’ESCP Europe et est ancien élève de l’Ecole d’Economie de Paris.

Proparco

Filiale du groupe AFD dédiée au secteur privé, Proparco intervient depuis 45 ans pour promouvoir un développement durable en matière économique, sociale et environnementale.

Proparco participe au financement et à l’accompagnement d’entreprises et d’établissements financiers en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou encore au Moyen-Orient. Son action se concentre sur les secteurs clés du développement : les infrastructures avec un focus sur les énergies renouvelables, l’agro-industrie, les institutions financières, la santé, l’éducation... Ses interventions visent à renforcer la contribution des acteurs privés à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par la communauté internationale en 2015.

Dans ce but, Proparco finance des sociétés dont l’activité participe à la création d’emplois et de revenus décents, à la fourniture de biens et de services essentiels, ainsi qu’à la lutte contre le changement climatique.