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L’accès au financement est un défi de taille pour les PME africaines. L’Alliance pour l’inclusion financière vise à faire partager, au travers de cet article, les différentes pratiques et l’expérience de certains de ses pays membres, qui ont mis en place des initiatives permettant aux PME d’accéder plus facilement au financement. Cet article est issu d’une note d’orientation1 élaborée collectivement dans le cadre d’un groupe de travail de l’AFI sur le financement des PME (SMEFWG).

Afin d’assurer une croissance économique équilibrée et inclusive, il est indispensable que le secteur des micro-, petites et moyennes entreprises (MPME) soit sain, et en progression. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), les MPME créent déjà 67 % des emplois dans le monde. Elles sont toutefois susceptibles de jouer un rôle plus important encore dans l’économie. Pour atteindre pleinement son potentiel, une MPME doit nécessairement avoir accès aux financements. En effet, une PME qui dispose de fonds suffisants est à même de se développer, avec sur l’économie des effets favorables liés à l’impôt et à la création d’emploi. Lors du Global Policy Forum de 2015, l’adoption unanime de l’accord de Maputo par les membres de l’AFI est venue souligner l’importance d’un financement adapté des MPME pour « la création d’emploi, le développement économique et l’innovation ».

 

Le rôle des régulateurs financiers dans le financement des PME

Le rôle d’un régulateur est d’assurer la stabilité du secteur financier dans son ensemble. Pour ce faire, les décideurs doivent veiller à la mise en place d’une supervision et de politiques pertinentes, notamment sous la forme de règles et schémas directeurs d’intermédiation.

En 2016, le groupe de travail de l’AFI sur le financement des PME (SMEFWG) a conduit une enquête auprès d’un certain nombre de pays membres. Cinq d’entre eux étaient situés en Afrique subsaharienne. Si les membres interrogés considéraient globalement le financement public des prêts subventionnés aux MPME comme insuffisant, leurs réponses révélaient néanmoins que certains pays avaient mis en place divers plans, mesures ou dispositifs visant à améliorer l’accès au financement des PME. Parmi ces dispositifs, l’intervention monétaire directe, l’adoption d’un cadre juridique et réglementaire spécifique aux PME, ou encore les initiatives de développement des politiques publiques et des marchés.

 

L’intervention monétaire directe

L’intervention monétaire directe (DMI) fait intervenir des prêts et programmes de refinancement subventionnés en faveur des MPME, à des taux inférieurs à ceux du marché. Elle permet ainsi aux microentreprises et aux PME d’abaisser leur coût du capital. Pour les pouvoirs publics, elle constitue une stratégie permettant de favoriser l’entrepreneuriat, de lutter contre la pauvreté et les inégalités, et de stimuler la croissance économique. L’étude conduite par le SMEFWG a révélé à cet égard que, si la DMI est une tendance forte en Asie du Sud, elle n’a en revanche été adoptée en Afrique subsaharienne que par le Kenya et l’Eswatini (ex-Swaziland), dont les autorités de réglementation financière ont mis en place des prêts ou programmes de refinancement subventionnés. Dans le cas de l’Eswatini, ils comportaient un dispositif de garantie des prêts, un fonds de développement régional, un fonds d’aide à l’entrepreneuriat des jeunes et un fonds de lutte contre la pauvreté de certaines communautés. Au Kenya, ce sont les Caisses d’épargne et de crédit coopératif (SACCOS) qui ont reçus des crédits de la part des banques commerciales, des pouvoirs publics et de divers autres donateurs, afin que cet argent soit prêté à leurs sociétaires.

 

Un cadre juridique et réglementaire dédié aux MPME

Les dispositifs d’encadrement juridique et réglementaire spécifiques aux MPME ont pour but de favoriser leur croissance et leur développement. Il ressort une nouvelle fois de l’étude qu’en Afrique subsaharienne, seuls l’Eswatini et le Kenya disposent d’une telle législation. La classification selon les catégories « microentreprises », « petites » ou « moyennes » entreprises (collectivement, MPME) permet aussi aux décideurs de concentrer l’action de leurs politiques sur des secteurs spécifiques, de favoriser l’assistance technique et de bien orienter les aides financières et autres politiques d’incitation. Elle facilite également la collecte des données sur les MPME. Les régulateurs financiers ont en outre la possibilité de publier des réglementations prudentielles et des directives d’orientation du crédit afin d’encourager (directement ou indirectement) les banques et les institutions financières à prêter aux MPME. Les répondants de l’étude ont indiqué que, parmi les réglementations prudentielles mises en place, les deux plus courantes consistaient à abaisser la pondération des risques et revoir à la baisse les exigences de liquidité en cas de prêt à une MPME. D’autres solutions incitatives étaient également citées, comme l’amélioration des processus de crédit ou l’application de quotas aux institutions financières leur imposant un certain taux de prêts aux MPME sur leur portefeuille de crédit global. En Afrique subsaharienne, seul l’Eswatini avait mis en place une réglementation prudentielle, au titre de sa loi de 1991 sur les prêts d’argent et le financement du crédit, visant à protéger les MPME emprunteuses. De nombreuses MPME ne disposent pas d’immobilisations corporelles suffisantes pour permettre de nantir leur valeur en garantie d’un crédit. Souvent, elles possèdent cependant un actif « circulant », notamment des équipements et outillages, du bétail, des produits à recevoir ou des stocks, susceptibles de servir de garantie. À condition de disposer d’un cadre transactionnel assurant une protection adaptée du prêteur, ces actifs peuvent être mis à profit pour obtenir un financement sécurisé par un nantissement. Ce type de dispositif est toutefois moins courant en Afrique qu’il ne peut l’être en Asie de l’Est et du Sud-Est, en Amérique latine ou dans la zone caraïbe.

 

Les initiatives de développement des politiques et des marchés

Le secteur bancaire joue un rôle important dans l’information des MPME, notamment par le biais du développement de compétences et de la formation, qui sont des aspects essentiels. Selon les résultats de l’étude du SMEFWG, seuls l’Eswatini, la Tanzanie et le Kenya proposent régulièrement des ateliers, séminaires et modules de formation visant à accroître la « capacité » du secteur dans ces domaines. Au Kenya, l’organe central des SACCOS conseille en outre les membres de son réseau sur les meilleures solutions pour leurs dépôts, et mène des études sur la satisfaction en matière de financement et les défis technologiques des TIC. Dans le cas de l’Eswatini une « Unité de microfinance » travaille avec de nombreuses parties prenantes sur le développement des capacités et la formation des MPME. Les programmes nationaux de formation et de sensibilisation aux réalités financières constituent eux aussi un moyen de favoriser l’accès des MPME aux financements. L’étude révèle que cette démarche publique d’éducation financière est proposée sous diverses formes en Tanzanie, Eswatini et à Madagascar.

Les pays d’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est ont depuis longtemps misé sur ce type de programmes de sensibilisation et d’éducation financière. Ces dix dernières années, cette tendance est également apparue en Afrique subsaharienne. L’Eswatini propose ainsi du mentorat et du coaching, un guide des services financiers, une émission de radio et un numéro d’appel gratuit pour les MPME. Madagascar met en place des partenariats avec les bailleurs de fonds et des organismes comme le « Réseau des associations de microfinance », pour la sensibilisation et la formation du public. La bonne disponibilité des données relatives au crédit permet aux prêteurs d’évaluer la solvabilité des demandeurs de prêts. Toutefois, dans le cas des MPME, cette information est souvent peu transparente, ou difficile à obtenir. En rendant cette information disponible, les mécanismes d’information sur le crédit facilitent donc l’accès au financement des MPME. Il ressort de l’étude du SMEFWG que Madagascar, le Kenya, la Tanzanie et l’Eswatini ont créé des agences de centralisation des données de crédit qui mettent à disposition une information spécifique sur les MPME. Les services d’évaluation et de notation du crédit sont une précieuse extension de ces agences de crédit lorsqu’ils produisent une information sur les MPME. Cependant, dans de nombreux pays, il n’existe pas de réglementation ni de politique d’orientation en matière de rating des prêts aux MPME. Ces notations sont peu présentes en Afrique, mais elles existent pour les MPME au Kenya, où ces dernières sont notées par une agence de rating privée. Les banques ont pour leur part coutume de produire elles-mêmes leurs analyses de crédit – tâche rendue impossible si l’on doit traiter un très grand nombre de particuliers ou de MPME. À la place, elles ont donc régulièrement recours au nantissement de collatéral, qui souvent n’est pas disponible en Afrique subsaharienne. Les agences de crédit sont nées pour pallier ces difficultés. En compilant les données de crédit, elles ont favorisé la baisse des coûts, et cette désintermédiation se poursuit : les prestataires disposant de l’information la plus fiable, détaillée et approfondie sur les clients emprunteurs sont aussi les mieux placés pour analyser cette information et tarifier les crédits (mais aussi les autres services financiers)2 . Des exemples de ce type existent dans tous les pays où le taux de pénétration des nouvelles technologies est important, comme au Kenya (Safaricom/M-Pesa). Pour les startups qui n’ont accès ni aux marchés de capitaux ni à la banque traditionnelle, le capital-risque constitue une source vitale de soutien financier. L’étude SMEFWG témoigne de l’existence de fonds de capital-risque au Kenya et à Madagascar. Bien développés en Asie et en Europe de l’Est, ces fonds ne sont toutefois pas encore largement disponibles en Afrique subsaharienne. De leur côté, les garanties de crédit, en permettant le partage du risque avec les prêteurs, offrent un accès au financement à des MPME ne disposant pas de collatéral ou d’un historique de crédit suffisant. Ces garanties peuvent être proposées par des autorités publiques de réglementation financière, ou directement par les États. Différents mécanismes sont utilisés pour mettre en place les dispositifs de garantie. Publiés par la Banque mondiale, les « Principes relatifs aux systèmes publics de garantie de crédit pour les PME » (Principles for Public Credit Guarantee Schemes (CGSs) for SMEs) sont mis à la disposition de tous, pour servir de référence et pour être mis en œuvre par les pays intéressés. Pour diverses raisons, une MPME peut en outre, à un moment donné, éprouver des difficultés à rembourser un prêt. Dans les pays étudiés par le SMEFWG, il n’existait pas de mécanisme de règlement de la dette. La résolution de problème était laissée à l’initiative du marché, impliquant le rééchelonnement et la restructuration des crédits.

La majorité des pays étudiés avaient en revanche mis en place des mécanismes de protection du consommateur. Dans beaucoup de ces pays, les régulateurs financiers étaient dotés d’une division dédiée à la protection des consommateurs, tandis que d’autres avaient créé une autorité de tutelle spécifique, ou des structures de médiation.

 

1 : Note d’orientation AFI n° 23, « Le rôle des autorités de réglementation financière dans la promotion de l’accès au financement des MPME : les enseignements du réseau AFI » (The Role or Financial Regulators in Promoting Access to Financing for MSMEs – Lessons from the AFI Network), août 2016.
2 : Rapport spécial de l’AFI « Les fintechs pour l’inclusion financière : cadre global pour la transformation financière numérique » (Fintech for Financial Inclusion, A framework for digital financial transformation), septembre 2018.

L’Alliance pour l’inclusion financière (AFI)

Cet article est un travail collectif de plusieurs auteurs
L’ALLIANCE POUR L’INCLUSION FINANCIÈRE (AFI)

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L’Alliance pour l’inclusion financière (AFI) est un organisme d’élaboration de politiques et de réglementation sur l’inclusion financière. Son réseau international compte plus d’une centaine d’institutions membres (issues de plus de 90 pays, émergents ou développés), parmi lesquelles des banques centrales, ministères des finances et autres autorités de réglementation financière. L’AFI s’emploie à donner aux décideurs politiques les moyens d’augmenter l’accessibilité et l’usage de services financiers de qualité, à destination des populations insuffisamment desservies. Cette démarche passe par l’élaboration, la mise en oeuvre et la promotion, au niveau mondial, de politiques inclusives et durables.

L’ALLIANCE POUR L’INCLUSION FINANCIÈRE (AFI)

L’Alliance pour l’inclusion financière (AFI) est une organisation de référence en matière de politiques et de réglementation du secteur de l’inclusion financière. Son réseau compte plus d’une centaine d’institutions membres (issues de plus de 90 pays, émergents et en développement), parmi lesquelles des banques centrales, ministères des finances et autres autorités de réglementation du secteur financier. L’AFI s’emploie à donner aux décideurs politiques les moyens d’augmenter l’accessibilité et l’usage de services financiers de qualité, à destination des populations mal desservies. Cette démarche passe par l’élaboration, la mise en oeuvre et la promotion, au niveau mondial, de politiques inclusives et durables.