
La production agroalimentaire reste au cœur de l’industrie africaine, représentant respectivement 18 % et 30 % des revenus industriels de pays comme la Tunisie et le Maroc, par exemple. La demande de produits locaux a offert des opportunités aux producteurs africains. La concurrence est limitée, et les résultats sont au rendez-vous. Les consommateurs ont toutefois besoin de pouvoir identifier et différencier ces produits, ce qui est rendu possible par les indications géographiques (IG) et les labels de qualité certifiée. Ces dispositifs font partie des outils et méthodologies utilisés par l’ONUDI pour aider au développement des chaînes de valeurs en Afrique et faciliter l’accès au marché. Le soutien aux producteurs permet un développement industriel durable et inclusif. En partenariat avec des programmes conduits par les pays, l’ONUDI soutient les chaînes de valeur agroalimentaires au Maroc et en Tunisie.
Dans la plupart des pays d’Afrique, l’agroalimentaire est le principal sous-secteur industriel, et il a le potentiel pour être le moteur du développement socioéconomique du continent. La construction d’une industrie agroalimentaire inclusive et durable demeure un défi du développement, mais constitue aussi une opportunité pour les PME africaines.
Les consommateurs s’intéressent de plus en plus aux produits traditionnels, profondément enracinés dans un territoire d’origine. Cette tendance représente une belle opportunité pour les producteurs (en particulier les PME), car elle évite la pression d’une concurrence frontale avec des produits génériques et standardisés. Elle récompense les producteurs qui font ce qu’ils ont toujours su faire : produire des denrées traditionnelles dont la qualité, les spécificités et la renommée sont liées à des savoir-faire ancestraux et à leur lieu de production.
Sur le marché, ces produits liés à une origine géographique1 peuvent atteindre des prix plus élevés, à condition d’être différenciés et clairement identifiables par le consommateur. Les indications géographiques (IG) et les labels de qualité certifiée sont des outils qui peuvent permettre aux producteurs d’accéder à toute la valeur ajoutée de ces « produits de terroir ».
UNE APPROCHE HOLISTIQUE POUR LA RECONNAISSANCE D’UNE TRADITION
L’ONUDI encourage le développement industriel pour lutter contre la pauvreté et promouvoir une mondialisation inclusive et durable. Elle apporte depuis longtemps son assistance technique au développement des chaînes de valeur, en Afrique et ailleurs dans le monde – en créant des liens entre les activités, en renforçant les exigences de qualité, en améliorant la productivité et en favorisant l’accès aux marchés. L’ONUDI s’appuie sur une expérience acquise dans plus d’une vingtaine de pays, pour développer des outils et des méthodologies visant à préserver et promouvoir les produits de terroir, avec en ligne de mire un développement industriel inclusif et durable. Son approche permet aux PME de maximiser le potentiel des produits agroalimentaires concernés, et assure la redistribution équitable des bénéfices perçus sur toute la chaîne de valeur.
Lancé en 2013, le Programme d’accès aux marchés des produits agroalimentaires et de terroir (PAMPAT), est financé par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) de la Confédération suisse. Il vise à améliorer la performance, l’accès aux marchés et la situation socioéconomique des PME intervenant dans différentes chaînes de valeur, au Maroc et en Tunisie. L’action du programme cible le renforcement organisationnel des chaînes de valeur concernées, l’amélioration de la productivité, le développement produit et les exigences de qualité au niveau des PME et, enfin, la consolidation de leur positionnement sur les marchés intérieurs et d’exportation. Le PAMPAT permet aussi d’assurer la conformité de ces produits avec les exigences des indications géographiques et critères de qualité, afin de les positionner sur certains marchés de niche – grâce à quoi les producteurs peuvent obtenir des prix plus élevés et augmenter leurs revenus. Le programme renforce également les capacités nationales ou régionales de développement et de promotion des produits locaux. Dans le cadre de ses activités, le programme a ainsi soutenu, au Maroc et en Tunisie, la mise en place et l’organisation de concours de produits du terroir, facilitant ainsi les retours d’expérience et l’échange des meilleures pratiques dans la région.
Dans la mise en œuvre de programmes tels que le PAMPAT, l’ONUDI recourt à une approche holistique, qui comprend des domaines d’intervention, largement reliés entre eux (cf. schéma ci-dessous). Le point clé dans ce schéma correspond au critère « Qualité et origine », qui implique la conformité avec les spécifications de qualité et de sécurité, et la promotion des labels sur l’ensemble de la chaîne de valeur, mais aussi vis-à-vis des acheteurs et auprès des consommateurs.
Dans le développement des chaînes de valeurs de produits « typiques », une approche centrée sur les IG et les labels de qualité permet aussi de se rapprocher des Objectifs de développement durable.
AIDER À RESPECTER LES NORMES POUR L’HUILE D’ARGAN MAROCAINE
Au Maroc, l’ONUDI a appliqué cette démarche à la chaîne de valeur de l’huile d’argan, dans le but de promouvoir une Indication géographique protégée (IGP). Dans ce pays, l’ONUDI a ainsi accompagné la Fédération interprofessionnelle de la filière de l’Argane (FIFARGANE) pour le développement d’un logiciel de traçabilité permettant d’assurer le respect, par les producteurs, du code de bonnes pratiques correspondant à l’IGP. Le logiciel garantit que toutes les étapes de la chaîne de valeur respectent les codes de l’IGP, assurant notamment que les producteurs ont été formés conformément aux exigences de l’IGP et aux réglementations nationales en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire. Des évaluations ont été menées et, souvent, une amélioration des installations de production s’est avérée nécessaire. Grâce au partenariat et à la coordination mise en place avec le ministère de l’Agriculture, les producteurs ont pu procéder à ces mises à niveau et le nombre de producteurs certifiés IGP a augmenté de 150 % entre 2013 et 2019.
Le programme a également mis l’accent sur le développement d’une marque collective, afin d’accroître le potentiel d’accès au marché pour les PME, les coopératives et les regroupements de producteurs qui fournissent des produits de haute qualité et certifiés IGP. Un exemple de cette intervention est la création du consortium Vitargan, dont le développement, la stratégie marketing et la promotion de la marque ont été soutenus par le PAMPAT.
En outre, le programme a également formé des femmes à l’entrepreneuriat et au marketing afin de soutenir les coopératives de femmes, ce qui a un impact sur les moyens de subsistance de leurs membres.
IDENTIFIER UNE « NICHE » EN TUNISIE
En Tunisie, la démarche a été appliquée à la chaîne de valeur de la figue de Barbarie (cactus), pour positionner les produits dérivés sur des marchés de niche et permettre au pays d’exploiter le potentiel de ce secteur. En 2014, la Tunisie ne comptait que cinq sociétés de transformation de la figue de Barbarie. En 2019, elles étaient plus de trente, essentiellement dans les secteurs des cosmétiques et de la parapharmacie bios. Pour parvenir à ce résultat, le PAMPAT a aidé les entrepreneurs à établir leur business plan, accéder aux financements et améliorer leurs compétences en matière de production, de marketing et de vente. Environ un millier d’emplois ont ainsi pu être créés.
L’augmentation du nombre d’entreprises de transformation dans ce secteur a développé la demande de figues de Barbarie certifiées bio. Le Programme a donc mis en relation les fabricants de produits bios avec des cultivateurs, et accompagné ces derniers dans l’obtention de leur certification d’agriculture biologique, d’où un doublement de la surface plantée en cactus certifiés bio et du prix payé aux cultivateurs.
Une initiative a également été lancée pour la promotion du produit phare, l’huile de pépins de figues de Barbarie, sous le label collectif « Huile bio de pépins de figue de Barbarie – Origine Tunisie ». La structuration progressive du secteur a conduit à la mise en place de l’Association nationale pour le développement du cactus (ANADEC), qui représente l’essentiel des entreprises concernées. Aujourd’hui, les produits dérivés de la figue de Barbarie se classent au cinquième rang des exportations tunisiennes de produits bios.
ATTEINDRE LES ODD
L’amélioration de la demande et de l’accès aux marchés pour ces produits du terroir a des effets vertueux sur l’accroissement des revenus et les opportunités d’emploi, en vue d’une croissance économique inclusive et durable (ODD 8).
Dans le développement des chaînes de valeurs de produits « typiques », une approche centrée sur les IG et les labels de qualité permet aussi de se rapprocher des Objectifs de développement durable (ODD). Les produits du terroir sont en effet souvent fabriqués par des populations marginalisées, notamment des femmes. Le soutien qui leur est apporté aura donc des effets favorables sur la réduction de la pauvreté (ODD 1) et l’égalité entre les sexes (ODD 5). Alliées à une conscience des enjeux de la biodiversité et de l’utilisation raisonnée des ressources pour valoriser les atouts d’un territoire, les structures de gouvernance et la décision collégiale contribuent au développement régional, tout en préservant les patrimoines naturels et culturels. L’amélioration de la demande et de l’accès aux marchés pour ces produits du terroir a des effets vertueux sur l’accroissement des revenus et les opportunités d’emploi, en vue d’une croissance économique inclusive et durable (ODD 8). Dernier point, et non des moindres, cette démarche contribue à un développement industriel inclusif et durable (ODD 9).
1 Les produits liés à une origine géographique ou « produits de terroir » sont des produits locaux dotés d’une identité et d’une réputation inhérentes à un terroir et/ou des produits issus de techniques de production particulières dont la qualité, la renommée ou les spécifificités sont attribuables à leur provenance géographique.