
Le CEPF est un fonds spécialisé qui appuie les partenariats entre les associations de protection de l’environnement et les acteurs économiques. Si la société civile est composée d’une grande variété d’organisations – une diversité qui participe au bon fonctionnement de nos démocraties –, les acteurs privés pourront plus facilement travailler avec certaines d’entre elles. Ils ont tout à gagner à nouer ce type de partenariat, qui peut leur permettre d’affiner leur positionnement environnemental.
En 2015, le Consortio Ambiental Dominicano, organisation à but non lucratif regroupant des institutions gouvernementales et non gouvernementales, a créé la première réserve privée de République dominicaine. Autour d’une zone forestière à présent protégée, les communautés villageoises sont soutenues pour reboiser et cultiver du cacao ou de la noix de macadamia. Ces produits de haute qualité sont alors commercialisés auprès d’un réseau nord-américain de chocolateries, dans un emballage qui présente l’opération et valorise le gain environnemental réalisé grâce à ce partenariat.
Ce modèle original, associant étroitement une organisation environnementale et un réseau d’entreprises, illustre parfaitement ce que peuvent être les relations entre secteur privé et société civile. Mais il est loin d’épuiser l’ensemble des interactions entre ces deux acteurs – qui peuvent être harmonieuses, mais aussi antagonistes…
Aujourd’hui, la société civile est reconnue comme un acteur essentiel, aux côtés des autorités gouvernementales et du monde des affaires. On lui reconnaît en particulier un rôle indispensable pour le développement de politiques socialement et écologiquement durables. Comprendre le rôle que peuvent jouer les organisations de la société civile est donc important pour les entreprises : il existe un véritable potentiel partenarial entre ces deux acteurs de natures différentes, en particulier en matière de protection de l’environnement.
UNE GRANDE DIVERSITÉ D’ACTEURS, AUX POSITIONNEMENTS VARIÉS
La société civile est marquée par une très grande diversité des structures qui la compose. C’est le cas en particulier des organisations à but non lucratif de protection de l’environnement. Elles peuvent bien sûr accompagner, influencer les acteurs économiques, mais aussi s’y opposer – et c’est souvent ainsi que les acteurs économiques et gouvernementaux les perçoivent. Suivant ces différents positionnements, il est possible de classer les associations environnementales en plusieurs catégories.
Les associations « naturalistes », souvent les plus anciennes, ont un objectif initialement scientifique. Elles sont aujourd’hui les principales pourvoyeuses de données sur la biodiversité, que ce soit sur un territoire donné ou pour des groupes d’espèces (comme les oiseaux, les mammifères marins, les plantes). Les associations « nimbystes », dont l’appellation vient de l’expression anglaise « Not In My Backyard » (« Pas dans mon jardin »), s’opposent à des projets pouvant mener à des dégradations environnementales dans le périmètre restreint de leur zone d’influence. Les associations « modélistes » développent, elles, des visions plus politiques, s’attaquant à des modèles économiques ou en proposant d’autres. Cette opposition/proposition peut s’ancrer localement, ou s’étendre jusqu’à des problématiques globales – comme sur les plastiques, la déforestation, l’élevage industriel… Elles jouent parfois un rôle de lanceurs d’alerte et de sensibilisation aux causes environnementales. Les associations « expertes » vont développer des débats d’idées sur certaines problématiques, rechercher alternatives et solutions, et n’hésitent pas à soutenir les autres acteurs pour améliorer leurs actions. Enfin, les associations « gestionnaires », qui se développent de plus en plus, souhaitent prendre un rôle plus actif dans la préservation des milieux naturels, et s’inscrivent dans l’action, le plus souvent à l’échelle locale. Elles gèrent aujourd’hui nombre d’espaces naturels.
Cette typologie, simplifiée à l’extrême, est bien entendu poreuse. Certaines associations peuvent endosser un rôle ou un autre selon les sujets, en changer au fil du temps selon leur dynamique propre, ou en fonction de l’évolution de la situation environnementale dans leur zone d’influence.
LA NÉCESSITÉ D’UNE COMMUNAUTÉ DE LA CONSERVATION, FORTE ET DIVERSIFIÉE
Il va sans dire que les acteurs du secteur privé préfèrent généralement, et de loin, les organisations de type « expertes », avec lesquelles la mise en place de partenariats est plus facile. Les organisations de type « naturaliste » sont aussi reconnues, ne serait-ce que pour leur capacité à générer des données nécessaires à la prise de décisions. Celles qui se présentent en force d’op- position sont, évidemment, moins appréciées.
Cependant, l’ensemble de ces organisations sont indispensables au bon fonctionnement de la société civile – et par contrecoup, à la bonne gouvernance de nos sociétés. Les relations d’interdépendance entre ces organisations, comme dans un écosystème, assurent la bonne marche de l’ensemble. Le CEPF a eu l’occasion de travailler dans des pays où une association environnementale avait pris, au cours de l’histoire, une position quasiment hégémonique. Les dysfonctionnements que cela entraîne pour le bon fonctionnement des politiques de préservation de la nature sont nombreux. Comme pour le secteur à but lucratif, le monopole peut être une situation confortable dans l’absolu, mais limite l’innovation, la prise de risque, le débat…
Il est donc important que les acteurs du secteur privé acceptent la présence de cette diversité d’acteurs de la société civile, en dépit des frustrations qui peuvent naître parfois face aux oppositions des associations.
Il est important aussi que cette compréhension mutuelle aboutisse à des partenariats en faveur de l’environnement. C’est ce que cherche à favoriser le CEPF. Sur les 20 dernières années, le CEPF a soutenu plus de 2 350 organisations locales dans 98 pays et territoires, pour un total de 242 millions de dollars de subventions1. Environ 3 % des investissements réalisés (soit 6,7 millions de dollars) par le CEPF ont été destinés à des coopératives et des entreprises. En parallèle, le CEPF a soutenu un grand nombre d’initiatives pour renforcer les liens entre société civile et secteur privé.
1 : Voir le rapport d’impact du CEPF : https://www.cepf.net/sites/default/files/cepf-2019-impact_report-single_page_view_0.pdf