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L’entrepreneuriat des femmes vitalise l’économie du continent. L’accompagner revient à soutenir la croissance et l’emploi. De nombreux obstacles freinent pourtant son essor. Si certains relèvent de facteurs sociaux ou culturels et prendront du temps pour être surmontés, d’autres peuvent l’être avec des solutions relativement simples à mettre en œuvre, mais qui nécessitent de la volonté, du travail et des moyens de financement.

Les femmes sont devenues la colonne vertébrale de l’économie africaine1. Elles jouent notamment un rôle essentiel dans la création d’entreprises. Malgré cet apport économique considérable, l’entrepreneuriat féminin s’apparente le plus souvent en Afrique à un parcours du combattant. L’accès au financement constitue un des freins majeurs à son développement, tandis que les normes culturelles, sociales et légales nécessaires à la création d’une entreprise contribuent à maintenir les femmes dans des situations de vulnérabilité. Soutenir les femmes du continent qui entreprennent, c’est donc s’engager en faveur de l’économie et de l’emploi. Et dans le contexte où la population africaine en âge de travailler devrait atteindre un milliard de personnes en 20302 c’est une nécessité pour l’Afrique, comme pour l’Europe.

Pour y parvenir de façon efficace, et nonobstant les spécificités locales, l’amélioration des conditions d’accès au financement demeure un pan nécessaire – mais pas suffisant – de la solution. Le financement doit ainsi s’accompagner de programmes de formation quasi personnalisés intégrant non seulement les « hard skills », en particulier les outils technologiques, mais aussi les « soft skills » (intelligence relationnelle, capacités de communication, aptitudes interpersonnelles, etc.). Les entrepreneuses africaines qui participent à un programme de mentorat, tout en étant intégrées au sein de réseaux locaux, régionaux ou internationaux, sont sans conteste mieux armées pour réussir.

Les entrepreneuses africaines qui participent à un programme de mentorat, tout en étant intégrées au sein de réseaux locaux, régionaux ou internationaux, sont sans conteste mieux armées pour réussir.

Entrepreneuriat des femmes en Afrique

L’ACCÈS AU FINANCEMENT CONDITIONNE LA RÉUSSITE ENTREPRENEURIALE

Dans la plupart des cas, les femmes africaines entreprennent par nécessité, c’est-à-dire à des fins de subsistance. Elles n’ont en effet pas vraiment d’autres alternatives en raison d’un accès encore limité à l’éducation, de freins culturels tenaces et de législations contraignantes 3. Par sa nature, l’entrepreneuriat de subsistance donne lieu à des entreprises de petite taille, avec des besoins de financement modestes auxquels la microfinance répond relativement bien. L’entrepreneuriat de subsistance se révèle toutefois insuffisant pour permettre l’émancipation économique et sociale des femmes.
Pour les entrepreneuses dont l’activité nécessite plus de capital pour se développer, les solutions restent imparfaites. L’accès au financement est ainsi limité 4durant toutes les phases (amorçage, démarrage et croissance) du projet entrepreneurial. L’ensemble des pays du continent africain sont concernés, même ceux qui disposent des systèmes financiers les plus matures. Si les entreprises de plus grande taille parviennent à recourir aux banques traditionnelles, les TPE-PME intéressent peu les services financiers. Conséquence : les femmes entrepreneuses du continent sont souvent découragées par les démarches à accomplir – pour des raisons à la fois psychologiques et culturelles, mais aussi à cause d’un réel besoin d’accompagnement  technique.

Centraliser le soutien aux TPE-PME, en réduisant le nombre de personnes et d’institutions à solliciter, contribuerait à accélérer le développement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique.

Soutenir les femmes entrepreneuses en Afrique impose donc de se pencher sur l’offre de financement qui leur est destinée, tout autant que sur les programmes qui leur permettront d’acquérir les compétences techniques pour comprendre ces offres et les demander. Une autre priorité porte sur le renforcement de l’accompagnement « psycho-culturel » des entrepreneuses afin que celles-ci se sentent légitimes et soutenues par la communauté pour entreprendre « en plus grand ».

Sur le plan de l’offre de financement, plusieurs chantiers majeurs sont à mener en parallèle. Et ceux-ci sont étroitement liés aux politiques éducatives et culturelles à conduire. Il s’agit tout d’abord d’améliorer la bancarisation des femmes, aujourd’hui limitée5. Rappelons que la détention d’un compte dans une institution financière dépend de l’accès à l’éducation, les pays qui enregistrent les meilleurs taux de bancarisation étant ceux qui sont les plus avancés au niveau de leur système éducatif. Parmi les autres chantiers prioritaires, citons le développement de l’emprunt bancaire et des offres spécifiques réservées aux femmes entrepreneuses – alors que seules 5 % d’entre elles obtiennent aujourd’hui des crédits. Dans cette perspective, il paraît essentiel de mettre à la disposition des femmes des services adaptés à leurs besoins, comme par exemple de proposer des formations sur les démarches nécessaires à l’octroi de crédit. Il semble également primordial d’adapter les offres au profil de ces entrepreneuses, lesquelles sont le plus souvent dépourvues de patrimoine immobilier du fait des législations en vigueur dans la plupart des pays africains.

Autre chantier incontournable pour soutenir l’entrepreneuriat féminin en Afrique : développer la mésofinance qui a pour vocation de combler le chaînon manquant de l’offre financière entre le microcrédit et le crédit bancaire plus classique. Et pour que l’ensemble de ces réponses puissent être mises en œuvre, il demeure urgent de simplifier les démarches à effectuer.

Pour compléter ce dispositif, un travail sur le volet juridique s’impose afin d’introduire des dispositions plus paritaires pour la constitution d’un patrimoine – qui renforcera in fine la solvabilité des femmes. Des discussions avec les Banques centrales de chaque pays seraient aussi utiles afin que celles-ci développent un environnement favorable aux TPE-PME, à l’instar de l’élargissement du type de garanties acceptables ou du financement de bases de données nationales sur ces entreprises en vue de faciliter les procédures d’analyse de risques par les organismes de financement, et de rendre ainsi le processus d’octroi de crédit plus transparent et plus efficace. De la même façon, centraliser le soutien aux TPE-PME, en réduisant le nombre de personnes et d’institutions à solliciter, contribuerait à accélérer le développement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique.

DES PROGRAMMES QUI FAVORISENT L’ÉMANCIPATION DES ENTREPRENEUSES

Pour permettre aux projets d’entreprise portés par des femmes de prendre toute leur mesure et pour encourager les entrepreneuses à s’autoriser à penser plus grand, il est indispensable de soutenir les programmes de communication, d’éducation et de formation, ainsi que de mentorat et de mise en réseau.

Concrètement, les programmes de communication ont pour ambition de faire connaître les femmes entrepreneuses, leur histoire et leur parcours. Leur objectif est d’encourager, de susciter des vocations, mais aussi de lutter contre les  phénomènes  d’auto-exclusion.

De leur côté, les politiques d’éducation portent sur tous les niveaux, de l’alphabétisation à l’enseignement supérieur, pour permettre aux entrepreneuses de développer des entreprises digitales alors qu’elles sont globalement en retard sur le plan technologique puisque la plupart d’entre elles ne déploient pas de solutions high-tech6 Quant aux programmes de formation « techniques » ciblés, ils offrent aux femmes la possibilité d’acquérir relativement rapidement les compétences nécessaires au développement de leur structure (apprendre à monter un dossier de financement, à pitcher son projet, etc.).

Les programmes de communication ont pour ambition de faire connaître les femmes entrepreneuses, leur histoire et leur parcours. L’objectif est d’encourager, de susciter des vocations, mais aussi de lutter contre les phénomènes d’auto-exclusion.

Les programmes de formation « soft skills » sont également incontournables pour dynamiser l’entrepreneuriat féminin. Ils vont permettre aux femmes de prendre conscience de leur valeur et d’oser croire en leur projet. Bref, d’avoir tout simplement « confiance en elles ».

Les programmes de mentorat et de mise en réseau offrent aux femmes la possibilité d’approfondir leurs compétences, de trouver des réponses aux problématiques qu’elles se posent, tout en leur permettant de sortir de l’isolement, de s’appuyer sur un réseau et d’être par là même psychologiquement « plus fortes ».

Les solutions à mettre en œuvre en faveur du développement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique sont finalement assez simples et pourraient avoir un impact conséquent sur la croissance et l’emploi du continent.

  1. Roland Berger, WIA – Women entrepreneurship: a Path to Empowerment? 2018 – 24 % des femmes africaines se sont lancées dans l’aventure entrepreneuriale, dominant ainsi largement le classement Au-delà de ce chiffre , les estimations montrent que cet entrepreneuriat féminin contribue de l’ordre de 7 à 9 % au PIB du continent africain, soit un total de 150 à 200 milliards de dollars.
  2. La population africaine en âge de travailler devrait passer de 705 millions de personnes en 2018 à près d’un milliard d’ici à 2030. Au rythme actuel de la croissance de la main-d’œuvre, l’Afrique doit créer chaque année environ 12 millions de nouveaux emplois pour contenir l’augmentation du chômage Source : « Perspectives économiques 2019 », Banque africaine du développement (BAD).
  3. Ces obstacles structurels s’observent via l’analyse de l’indice « Women entrepreneurship readiness ». Cet indice permet d’évaluer l’existence des prérequis pour l’émergence de l’entrepreneuriat féminin.
  4. Roland Berger, WIA – « Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique », 2020.
  5. 34 % des femmes africaines sont bancarisées en moyenne, contre 47 % de la population masculine. L’ensemble des pays africains, quel que soit leur groupe, est marqué par cette différence  : un écart allant de 11 à 18 points. Roland Berger WIA – « Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique », 2020
  6. « Plongée au cœur de la ruche entrepreneuriale », Roland Berger, WIA, 2019.