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Quels sont les facteurs clés de succès d’un programme d’accompagnement technique (AT)  ? Comment continuer à innover pour produire plus d’impact ? Éléments de réponse à partir de vingt entretiens menés auprès de bénéficiaires et de prestataires d’AT.

1/ Cibler les besoins du bénéficiaire

L’AT a de bons résultats lorsqu’il part du besoin exprimé par le bénéficiaire – et non par l’investisseur ou le bailleur. Tout autre objectif aura nettement moins de chances de succès. Paul Jackson, CEO de TUHF, un bailleur immobilier sud-africain, témoigne par exemple « qu’un récent programme d’AT a remarquablement résolu la question du niveau d’adéquation des fonds propres des institutions hypothécaires qui financent les promoteurs immobiliers. Le programme en question a également apporté des solutions à nombre de problèmes rencontrés dans le cadre de levées de fonds. Ce type d’accompagnement ciblé et pertinent demeure précieux. »

 

2/ Prendre le temps d’innover

Paul Jackson note aussi que l’adoption d’initiatives entièrement nouvelles est beaucoup plus compliquée à gérer pour les bénéficiaires : « Les initiatives novatrices demandent du temps. Les choix s’avèrent rarement judicieux lorsque les bailleurs d’AT mettent sous pression les bénéficiaires, sans saisir toutes les nuances de leur situation. »

 

3/ Impliquer le conseil d’administration

Les initiatives d’AT de grande ampleur doivent impliquer le conseil d’administration car les projets doivent être soutenus au plus haut niveau de l’entreprise. « C’est particulièrement important lorsque quelque chose se passe mal », souligne Ghalib Nishtar, CEO de Khushhali Microfinance Bank – cette banque pour les PME affiche actuellement une très forte croissance au Pakistan.

 

4/ Engager financièrement les bénéficiaires

Toujours selon Ghalib Nishtar, les institutions financières bénéficiaires de l’AT doivent assumer une partie des coûts : « Les membres du conseil d’administration sont beaucoup plus attentifs lorsque je leur dis qu’il s’agit aussi de dépenser nos propres deniers ». Pour les institutions financières dont les ressources seraient plus limitées, il faut insister pour qu’elles mettent à disposition des équipes dédiées et/ou investissent dans l’amélioration des activités opérationnelles, à défaut d’assumer le partage des coûts.

 

5/ Bien sélectionner les consultants

Le succès d’un projet d’AT est souvent conditionné par l’alchimie entre le bénéficiaire et les experts qui vont effectuer la prestation de service. Les consultants doivent non seulement disposer de l’expertise technique requise, mais aussi de solides compétences interpersonnelles et d’une bonne sensibilité culturelle.

 

6/ Recruter des prestataires locaux ou régionaux

La majeure partie de l’AT doit être confiée de préférence à des sociétés et à des experts locaux ou régionaux. De telles initiatives permettront de renforcer les ressources humaines au service du développement, de consolider les liens de confiance à long terme et de susciter un soutien local, mais aussi de prévenir les éventuels malentendus d’ordre culturel. Paul Jackson, de TUHF, avertit toutefois que « les bailleurs de fonds devront veiller à maintenir une collaboration bien équilibrée entre experts locaux et experts internationaux ».

 

7/ S’adapter au changement

« Il est essentiel que les donateurs cessent de se focaliser exclusivement sur leurs propres stratégies. Il faut s’assurer qu’ils sont aussi en adéquation avec les priorités du bénéficiaire », estime Natasha Quist, directrice déléguée pour l’Afrique centrale et occidentale à la Bill & Melinda Gates Foundation. De son côté, Nicholas Colloff, directeur exécutif de la fondation Argidius, rappelle que « les organisations doivent être financées parce qu’elles ont du talent et du potentiel, sans oublier les petites organisations locales qui peuvent apporter de la valeur. » Ce transfert du contrôle impose aux parties impliquées de faire preuve de souplesse et de capacités d’adaptation au changement.

 

8/ Privilégier le temps long

« L’approche au niveau d’un écosystème implique la mise en relation de différents acteurs interdépendants et intégrés au sein d’un même système, plutôt que venus de l’extérieur », explique Klaus Niederländer, directeur de l’association Ambient Assisted Living. Il ajoute que les projets d’AT sont particulièrement utiles quand il s’agit de « mobiliser un investissement, des ressources humaines et techniques sur des périodes de dix à quinze ans, pour atteindre un réel impact économique, social et sociétal ». Selon lui, l’accent doit être mis sur le développement du capital humain et social plutôt que sur le capital économique et financier.

 

9/ Produire plus d’impact

Les investisseurs en capital-risque savent que l’argent n’est qu’une « marchandise ». Selon Hans Perk, directeur régional pour l’Afrique d’Oikocredit, un fonds d’investissement à impact doté d’un milliard de dollars, « ce qui conditionne le succès d’une entreprise, c’est l’accès aux individus, à la connaissance et aux marchés ». Nicholas Colloff partage la même analyse, prenant exemple sur la fondation Argidius pour démontrer que l'accompagnement technique est bien le moteur de l’impact. Dans une évaluation conduite par une autre organisation, quinze bénéficiaires ont ainsi attribué leur succès à parts égales à l’AT et au capital injecté. Bien que nécessaires, les subventions visant à compenser les premières pertes, les pertes de change ou des rendements plus faibles ne doivent pas être confondues avec la prestation de services d’AT, qui permet aux bénéficiaires de produire davantage d’impact.

 

10/ Soutenir l’innovation

Une innovation constante est la clé d’un impact plus important, mais elle exige des ressources. Par un soutien adapté, les prestataires d’AT peuvent créer des partenariats innovants et des solutions qui répondent aux besoins des organisations locales ou des gouvernements concernés. Ils peuvent aussi expérimenter de nouveaux mécanismes ou dispositifs de financement, par exemple des entités dédiées par secteur, le soutien en phase de démarrage ou encore des agences de financement pour la recherche et l’innovation.

 

Peter Hinton

Banquier conseil et chercheur associé
Saïd Business School

Parcours

Le parcours de Peter Hinton passe par le private equity, la banque, la distribution, le corporate finance et la comptabilité. Il dispose de trente années d’expérience commerciale, dont vingt-cinq consacrées au développement des PME en Afrique. Il enseigne à la Saïd Business School dans le cadre de deux programmes de l’université d’Oxford, l’Oxford Impact Investment Programme et l’Oxford Social Finance Programme, et exerce un rôle de conseil auprès de CapitalPlus Exchange (CapPlus), en tant que senior advisor. Peter Hinton a par ailleurs contribué au premier numéro de Secteur privé & Développement consacré à l’accompagnement technique, paru en 2011.

Saïd Business School

La Saïd Business School est l’établissement de l’université d’Oxford destiné aux étudiants de troisième cycle en commerce, gestion et finance. L’école occupe cette année le 17e rang mondial au classement Global MBA du Financial Times.

Lynn Pikholz

Fondatrice et CEO
CapitalPlus Exchange

Parcours

La fondatrice et CEO de CapitalPlus Exchange (CapPlus), Lynn Pikholz, est une experte du développement des économies émergentes et du financement des petites entreprises. Elle est notamment spécialisée dans les stratégies de réduction de la pauvreté adossées au marché. CapPlus stimule notamment l’investissement d’impact par le renforcement des institutions financières dans les économies émergentes.

CapitalPlus Exchange

Présente en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est, CapitalPlus Exchange (CapPlus) a été fondée en 2003 par ShoreBank Corporation. Cette dernière est une organisation à but non lucratif spécialisée dans les services de renforcement des capacités à destination des entreprises dans lesquelles investit ShoreCap, son fonds d’investissement à impact.

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