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Pour que l’adaptation au changement climatique puisse se développer efficacement, il est nécessaire que les investissements du secteur privé viennent s’ajouter à ceux du secteur public. C’est particulièrement vrai dans les pays en développement – dont les plus vulnérables se situent en Afrique, où la fréquence et la gravité des chocs climatiques s’accentuent.

« Transition juste » est l’un des nombreux termes qui ont émergé ces dernières années dans le sillage du mouvement pour un capitalisme woke – c’est-à-dire éveillé et lucide. Dans sa conception la plus large, elle désigne la nécessité de passer des « énergies sales » à une énergie plus durable en incluant des priorités à la fois environnementales et sociales. Le concept est attribué à Tony Mazzocchi (1993), syndicaliste américain et militant pacifiste, qui a fait campagne pour la création d’un « superfonds » afin de fournir un soutien financier aux travailleurs déplacés par les politiques de protection de l’environnement. Quel est le lien avec le thème de l’adaptation ? Au regard de l’urgence climatique, il est indispensable de sortir de notre grande dépendance aux combustibles fossiles à forte intensité carbone et d’aller vers un mix d’énergies renouvelables à faible teneur en carbone. Mais si la transition et les mesures d’atténuation s’imposent de façon claire et urgente, nous ne pouvons pas ignorer pour autant les effets négatifs actuels du changement climatique ; l’adaptation climatique permet de leur faire face. En effet, l’adaptation cherche à répondre aux changements climatiques qui entraînent une détérioration continue des conditions environnementales : accès à l’eau, à l’énergie, à un air de bonne qualité et à des températures tolérables. Ces conditions peuvent être impactées par des chocs climatiques tels que les tempêtes, les inondations ou les feux de forêt. L’adaptation se concentre donc sur le développement de la résilience et de la capacité à se protéger, afin de limiter ou d’éliminer les impacts négatifs du changement climatique sur les conditions de vie et les moyens de subsistance.  

 

L’Afrique en première ligne

Le continent africain est le plus vulnérable aux chocs climatiques. L’Afrique du Sud a connu de très longues périodes de sécheresse et des cyclones qui ont affecté des millions de personnes. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont confrontées à la montée des températures et au recul des précipitations. Et en Afrique de l’Est, les essaims de criquets ravagent les récoltes. Pourtant, les financements climatiques internationaux font défaut, malgré les nombreuses annonces formulées lors des différentes Conférences des parties (COP). Jusqu’ici, le soutien financier est avant tout allé à des mesures d’atténuation plutôt que d’adaptation climatique. En matière de financements liés au climat, un tiers seulement des engagements financiers pris en faveur de l’Afrique ont concerné l’adaptation, selon l’OCDE (données publiées en 2020). En outre, le financement de l’adaptation se fait majoritairement sous forme de prêts, qui augmentent le poids de la dette pour les pays en développement. Dans une optique de justice climatique, ces pays devraient recevoir ces financements sous forme de subventions. Ils n’ont en effet que peu ou pas contribué aux émissions de carbone survenues au siècle dernier, et devraient à ce titre être aidés financièrement par les pays développés.

Pour autant, la dépense publique et les subventions ne peuvent à elles seules résorber le déficit de financement de l’adaptation. Nous avons besoin de toute urgence des investissements du secteur privé pour accompagner l’investissement public. Une plus grande diversité dans l’origine des fonds permettra de mobiliser de nouveaux investissements pour faire progresser la résilience climatique. Les options de financement peuvent aller de conditions fortement concessionnelles (avec des attentes de rendement modestes et sur des durées longues) à des solutions pleinement commerciales (avec les rendements habituels du marché et sur des temps plus courts). La combinaison des différentes options entre elles est qualifiée de « financement mixte ». Les banques multilatérales de développement et les institutions de financement du développement jouent un rôle essentiel dans le déploiement de ce type de financement. Elles évaluent les risques climatiques et la vulnérabilité tout en permettant aux États de renforcer leurs capacités et d’attirer les capitaux privés des banques commerciales, davantage contraintes par les normes internationales en matière de capital. En plus d’apporter des capitaux complémentaires, les banques commerciales peuvent s’appuyer sur les relations qu’elles entretiennent avec les exploitants agricoles, les coopératives et les PME en général – toutes porteuses de savoir-faire en matière d’adaptation.  

 

La diversité comme clé de la résilience

Compte tenu des nombreux défis à relever – notamment les obstacles réglementaires ou le manque de données climatiques – l’investissement doit provenir d’un large éventail de sources publiques et privées. Selon le Stockholm Environment Institute, l’agriculture, l’approvisionnement en eau et l’assainissement représentent la moitié des engagements pour l’Afrique en matière d’adaptation. En comparaison, le soutien aux secteurs fondamentaux du développement, comme l’éducation ou la santé, est tout à fait négligeable, et seule une infime partie du financement de l’adaptation vise la biodiversité. Le financement de l’adaptation offre pourtant de nombreuses opportunités, comme par exemple la possibilité d’aider les pays très endettés en les finançant par de la dette à usage général, mais indexée sur les impacts climatiques. Ce concept s’apparente à celui des prêts à impact positif destinés aux entreprises (sustainability-linked loans), mais au niveau d’un État. Les problèmes d’endettement pourraient aussi être traités en établissant un lien direct entre notations de crédit et réduction du risque climatique, afin d’encourager à la résilience et de réduire le coût de la dette. Pour l’ensemble de ces possibilités de financement, il est impératif de veiller à ce que les fonds destinés à l’adaptation bénéficient aux plus vulnérables et favorisent un développement équitable. Jusqu’à sa mort, en 2002, Tony Mazzocchi a milité pour une transition juste. Deux décennies plus tard, nous n’avons jamais été aussi conscients de sa nécessité. Les décisions prises aujourd’hui auront une incidence sur la façon dont les effets du changement climatique se manifesteront demain. Pour répondre aux impacts climatiques actuels et bâtir un avenir plus résilient et équitable, il faut mobiliser toutes les sources possibles de financement de l’adaptation.

Tanya Dos Santos

Responsable du Développement durable
Investec

Parcours

Tanya dos Santos est entrée dans le groupe Investec en 2001, d’abord au sein du pôle Relations investisseurs, puis à la Stratégie. Elle est actuellement responsable au niveau mondial du Développement durable et responsable d’Investec Rhino Lifeline. Elle siège au conseil d’administration de la Swiss Wildlife of Africa Foundation, qui œuvre à la sensibilisation et à la collecte de fonds pour les espèces sauvages menacées. Tanya dos Santos représente Investec dans les groupes de travail des Nations unies sur l’investissement international pour le développement durable.

Investec

Le groupe Investec travaille en partenariat avec des clients privés, clients institutionnels et entreprises, auxquels il propose des services bancaires, d’investissement et de gestion de patrimoine, principalement sur les marchés d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni. Fondé en 1974, le groupe compte aujourd’hui 8 200 salariés. Investec est structuré autour d’une double cotation, à la bourse de Londres et de Johannesburg.

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