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Alors que les PME représentent la majorité des entreprises en ASS, elles ne contribuent que très peu au PIB. Les contraintes de financement auxquelles elles sont confrontées sont en partie responsables de cette situation. Or, les PME ont des impacts socio-économiques importants et il est donc nécessaire de soutenir leur développement. Pour ce faire, les banquiers et autres bailleurs de fonds doivent s'appuyer sur des intermédiaires connaissant bien ce segment et accompagner leurs financements d'assistance technique.

Le développement des pays du Sud constitue l'un des défis majeurs du 21ème siècle. Il ne s'agit pas seulement pour ces pays de réussir à traverser la profonde crise économique qui touche actuellement le monde ou de parvenir, notamment pour l'Afrique et dans une large mesure l'Amérique latine, à se relever des crises économiques qui se sont multipliées dans ces régions durant les deux dernières décennies du 20ème siècle. Il faut également que ces pays parviennent à s'approprier leur développement pour le rendre soutenable, ce qui apparaît au moins aussi important que de réussir à atteindre des taux de croissance élevés.

Dans la majeure partie du monde, le développement économique, qui s'est souvent d'ailleurs fait au détriment de l'environnement, n'a en effet pas réussi à créer suffisamment d'emplois ou à réduire les inégalités économiques, que ce soit à l'intérieur des pays ou entre eux. Dans un tel contexte, les PME jouent un rôle de plus en plus important, à la fois en Afrique et dans le reste du monde. En ASS, le segment des PME représente plus de 90 % de l'ensemble des entreprises,parmi lesquels 70 à 80 % sont des micro et très petites entreprises. Elles sont la principale source d'emploi et de revenu des Africains, après l'agriculture de subsistance. Il est en outre intéressant de noter que plus de la moitié des PME africaines appartient à des femmes et que près de 70 % de la nombreuse population rurale d'Afrique travaille dans le secteur des PME de manière formelle ou informelle. Malgré cela, la contribution des PME au PIB est estimée à moins de 20% dans la plupart des pays africains, alors qu'elle peut atteindre jusqu'à 60 % dans les pays à haut revenu.

 

Pourquoi soutenir les PME ?

Il est aujourd'hui largement reconnu que les PME jouent un rôle important dans une économie en encourageant l'esprit d'entreprise et en permettant de développer des secteurs compétitifs et intensifs en main d'oeuvre qui contribuent à une croissance saine. Elles favorisent ainsi un développement équilibré au sein des pays et sont efficaces pour lutter contre la pauvreté. Dans la plupart des cas, les PME ont un recours limité aux fonds propres, ce qui favorise une utilisation efficiente des capitaux – un facteur de production rare dans les pays en développement.

En plus de ces impacts sociaux et financiers très positifs pour les économies locales, les PME s'approvisionnent généralement localement, ce qui permet de minimiser les transports et donc de préserver l'environnement. La justification socio-économique de l'intérêt porté au financement, au développement et au soutien des PME est évidente. Tout d'abord, les profits des PME ne reposent pas sur l'exploitation d'économies d'échelle, si bien qu'elles peuvent produire en plus faibles quantités afin d'alimenter les petits marchés locaux. Le secteur des PME sert ainsi d' “incubateur” ou de terrain d'expérience permettant d'ouvrir la voie vers de l'innovation et de l'entreprenariat à plus grande échelle. Leurs gammes de produits reflètent souvent la technologie locale et sont souvent considérées comme mieux adaptées aux besoins des populations pauvres que celles des grandes entreprises qui utilisent des technologies étrangères. En outre, si les PME répondent bien aux besoins locaux en proposant des produits différenciés, elles offrent également des opportunités d'emploi à l'ensemble de la population du fait qu'elles se répartissent  équitablement sur la totalité du territoire national.

Les PME sont aussi généralement détenues et contrôlées par des intérêts locaux et peuvent ainsi renforcer les liens au sein de familles élargies ou d'autres systèmes sociaux, ainsi que les traditions culturelles. Pour ce qui est de leur impact sur l'ensemble de l'économie, Brusco (1992) considère que : “A priori, les petites entreprises résistent mieux aux récessions et garantissent une meilleure stabilité des emplois que les grandes entreprises ; leurs implantations et leurs activités sont diversifiées, elles consomment une grande variété de ressources et de types de matières premières et leurs propriétaires, ne serait-ce que par absence d'alternative, auront tendance à chercher à faire vivre l'entreprise en maintenant un minimum d'activité et d'emploi dans des circonstances où les investisseurs étrangers auraient cessé de produire.” Alors que les PME représentent la majorité des entreprises en ASS, elles ne contribuent que très peu au PIB. Les contraintes de financement auxquelles elles sont confrontées sont en partie responsables de cette situation. Or, les PME ont des impacts socio-économiques importants et il est donc nécessaire de soutenir leur développement. Pour ce faire, les banquiers et autres bailleurs de fonds doivent s'appuyer sur des intermédiaires connaissant bien ce segment et accompagner leurs financements d'assistance technique.

La Banque de développement de l'Afrique australe (DBSA) est l'un des plus importants bailleurs de fonds du secteur privé sur le continent africain. Bien que davantage spécialisée sur le financement des infrastructures, la DBSA est également impliquée dans le soutien aux PME et a une grande expérience des économies d'Afrique australe. Son vice-président en charge des opérations, Admassu Tadesse, souligne dans cet article l'importance des PME dans le paysage socio-économique africain et propose des solutions pour améliorer leurs conditions d'accès aux financements.

Le fait que la grande majorité des habitants d'ASS vit dans des zones rurales et dépend de l'agriculture ou d'activités économiques informelles explique l'importance du secteur des PME pour le continent. La plupart des agents économiques produisent en effet à petite échelle, même s'ils sont nombreux à vendre leur marchandise par le biais de coopératives ou d'associations de distribution.

 

Financer les PME en ASS

L'accessibilité et le coût du financement sont des préoccupations majeures pour le développement en Afrique. Il ressort d'enquêtes récentes sur le climat d'investissement menées auprès d'entrepreneurs que ces facteurs sont les principaux freins à la croissance du secteur privé et qu'ils sont plus contraignants en Afrique que dans le reste du monde en développement. Les systèmes financiers de la plupart des économies africaines se caractérisent par des niveaux d'intermédiation très bas et des marchés de capitaux peu développés et incapables d'apporter au secteur privé les ressources financières et autres services dont il a besoin. Les PME apparaissent d'autant moins bien desservies par ces circuits de financement formels qu'elles sont petites, manquent de relations et sont dans l'impossibilité d'offrir des garanties suffisantes. Ceci se reflète en partie dans le ratio masse monétaire (M3) sur PIB qui s'établit en moyenne à 32 % en Afrique, contre 49 % pour la région Asie de l'Est et Pacifique et 100% pour les pays à haut revenu. De même, le ratio crédit au secteur privé sur PIB n'atteint que 18 % en moyenne en Afrique – par rapport à 30 % en Asie du Sud et 107 % dans les pays à haut revenu – et seulement 11 % dans les pays d'Afrique à bas revenu, ce qui est peu par rapport aux 21 % atteints par les pays non africains appartenant à la même tranche de revenu.

Les intermédiaires financiers en Afrique se concentrent généralement sur une poignée de grandes entreprises et sur les obligations d'Etat. Le financement des PME est freiné par le manque de connaissance du secteur, l'importance des coûts de transaction, l'insuffisance des capacités en ressources humaines des institutions financières, l'absence de culture du crédit chez certaines PME, ainsi que par le sous-développement des outils de gestion du risque adaptés à l'activité de crédit aux PME. Ceci conduit donc les banques à préférer prêter aux grandes entreprises ou investir dans les obligations d'Etat. Les marchés des PME en ASS ne sont pas seulement petits et fragmentés, ils sont également pénalisés par un manque d'information. L'insuffisance de financement des PME peut en grande partie s'expliquer par trois facteurs. Le premier est l'insuffisance de garanties ou d'autres mécanismes de prévention des risques chez les PME qui les empêche ainsi d'accéder aux crédits disponibles à des prix compétitifs. Le deuxième concerne les capacités de gestion et d'absorption des ressources des PME africaines qui s'avèrent insuffisantes pour permettre une utilisation efficiente des financements proposés. Le troisième facteur provient de certaines caractéristiques exogènes des PME qui peuvent se révéler discriminantes pour les prêteurs. Parmi celles-ci, le sexe de leurs propriétaires (les PME détenues par des femmes sont généralement désavantagées), l'âge de l'entreprise (les jeunes PME reçoivent peu ou pas de financements), son lieu d'implantation (les entreprises rurales, par exemple, n'ont qu'un accès limité aux financements) et l'absence de liens politiques (parrainage) apparaissent comme les plus importantes.

La situation est encore plus compliquée lorsqu'il s'agit de se financer en fonds propres, ces derniers étant encore plus difficiles à attirer que les prêts. L'ASS est une des rares régions du monde délaissée par les fonds de capital risque et autres fonds d'investissement dédiés aux PME. La plupart des fonds de capital risque présents sur le continent semblent en réalité davantage s'apparenter à des fonds d'investissement classiques. Les faiblesses et confusions institutionnelles constatées dans bon nombre des pays de la région n'aident en rien à stimuler le goût du risque indispensable pour investir dans les PME. Le caractère informel et familial de la plupart des PME africaines constitue un autre obstacle. Nombreux sont les investisseurs potentiels qui considèrent le manque de transparence et de professionnalisme des PME comme un frein à leurs engagements. Du point de vue d'une institution financière de développement, l'expérience acquise en matière de soutien au financement des PME a permis de tirer quelques leçons utiles. En premier lieu, il est très important d'identifier des intermédiaires appropriés, c'est-à-dire des partenaires suffisamment engagés et ayant accès aux PME. Ensuite, il est nécessaire d'apporter un soutien aux PME au-delà des financements. Ces appuis non financiers doivent être bien ciblés: conseils pertinents et adaptés au secteur d'activité de l'entreprise, outils de gestion financière et services commerciaux à des prix abordables, développement de réseaux de distribution (en particulier, mise en relation avec des grandes entreprises ou des marchés à l'exportation), formations sur le terrain, etc. Ce soutien supplémentaire est indispensable pour renforcer les capacités de gestion des entreprises ainsi que leur accès aux marchés.

 

Perspectives d'évolution

Malgré leur contribution essentielle au PIB et à l'emploi, les PME d'ASS demeurent confrontées à d'innombrables difficultés qui limitent leur croissance et leur développement au-delà de la simple subsistance. L'accès au financement et son coût font partie des principales contraintes majeures. En dépit des progrès majeurs qui ont récemment été accomplis par le secteur financier africain, il reste beaucoup à faire, en particulier sur le segment des PME qui joue un rôle moteur sur la qualité du développement socio-économique. Les fonds de dette destinés aux PME, les fonds de capital-risque et les fonds d'investissement spécialisés, peuvent s'avérer de bons intermédiaires pour les bailleurs de fonds et autres investisseurs non spécialistes souhaitant intervenir sur le segment des PME. Le développement de ces intermédiaires peut ainsi permettre d'améliorer le financement à long terme des PME. Cependant, la qualité d'un fonds dédié aux PME ne dépend pas uniquement de sa capacité à attirer des investisseurs mais dépend également de sa connaissance du secteur, de la qualité du suivi de ses clients et de son aptitude à proposer à la fois des financements et du conseil.

Un rapport publié en 2007 par le Consortium pour la Recherche Economique en Afrique a examiné la question du rôle que pourrait jouer le secteur public dans le financement du développement des PME. Ce rapport reflétait la complexité du problème en indiquant que les initiatives publiques visant à soutenir le financement des petites entreprises sont justifiées dès lors que les imperfections du marché limitent l'accès aux financements et sont un obstacle à la libre-concurrence. Le rapport met cependant en garde sur le fait que dans un marché qui ne comporte pas ce type de lacunes, un engagement direct du secteur public pourrait créer certaines distorsions si des entreprises non viables étaient subventionnées. Il souligne, à juste titre, que le secteur public ne devrait octroyer des financements subventionnés que si les besoins de financement sont avérés et, plus important encore, si les entreprises peuvent démontrer qu'elles sont éligibles et méritent ce type de fonds.

 

Références/ Alabaladejo, m.j., 1998. Clustering and local institutions: Implications for the sustainable growth of SMEs. Non paru, mémoire de thèse, Brighton, Institute of Development Studies, University of Sussex. / African economic research consortium, 2007. Private Sector Development in Africa, Vol 4, AERC, Nairobi, Kenya. / Ayyagari, m., beck, t., demirguc-Kunt, a., 2007. Small and Medium Enterprises Across the Globe, Small Business Economics 29(4), décembre, 415-34. / Banque Mondiale, 2007. Rapport sur le développement dans le monde, Banque Mondiale. / Banque Mondiale 2006. Making Finance Work for Africa, Banque Mondiale. / Brusco, s., 1992. Small firms and the provision of real services, dans Pyke, F. et Sengenberger, W. (éd.) Industrial districts and local economic regeneration, International Institute for Labour Studies, BIT, Genève. / Consultative Group to assist the Poor (cgap) : www.cgap.org / Equinox management consultants, 2002. Gaps in SME Financing: An Analytical Framework, Document de recherche préparé pour le Small Business Policy Branch of Industry (Canada) dans le cadre de la Small and Medium-sized Enterprise Financing Data Initiative. / Meagher, K., 2008. A back door to globalization? Structural Adjustment, Globalization & Transborder trade in West Africa, Review of African Political Economy 30(95) Mars 2008. / Tax, S., 1953. Penny Capitalism: A Guatemalan Indian Economy, Smithsonian Institution, Institute of Social Anthropology. / Tonnies, f., 1988 (original 1887). Gemeinschaft Und Gesselschaft (Communauté et Société), Michigan State University Press 

Admassu Tadesse

Vice-président exécutif
DBSA

Parcours

Admassu Tadesse est vice-président en charge des opérations de la Banque de développement de l'Afrique australe (DBSA), dont le siège est à Johannesburg. Il travaille depuis plus de 15 ans sur l'ensemble du continent africain et en particulier en Afrique australe. Admassu Tadesse est membre de plusieurs conseils d'administration, notamment celui de SADC DFRC, de PROPARCO, du fonds FISEA de l'AFD, de l'initiative EPA du Forum économique mondial et de GAIN Africa - une initiative conjointe de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, de la Banque Mondiale et de l'ONU. Il est économiste, banquier et expert dans le financement du développement à l'international.

DBSA

La Banque de développement de l'Afrique australe (DBSA) est l'un des plus importants bailleurs de fonds du secteur privé sur le continent africain. Bien que davantage spécialisée sur le financement des infrastructures, la DBSA est également impliquée dans le soutien aux PME et a une grande expérience des économies d'Afrique australe.