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Pour les investisseurs engagés dans des institutions financières en Afrique ou dans d’autres économies en développement, le relatif déficit de compétences managériales apparaît tout particulièrement dans la phase que l’on pourrait qualifier de « post-expatriés » – c’est-à-dire au moment où une compétence locale devient indispensable pour faire croître ces institutions et assurer leur pérennité. En se fondant sur un cursus adapté aux réalités et difficultés de leur environnement professionnel quotidien, AccessCampus développe depuis Berlin un corpus de connaissances et de compétences à la fois techniques et managériales, destiné notamment (mais pas seulement) aux cadres intermédiaires du réseau bancaire d’Access, en particulier sur le continent africain.

Une nécessité urgente de renforcer les compétences managériales

Face à la rapide croissance de l’investissement dans les pays en développement, et plus particulièrement en Afrique subsaharienne, il est possible d’améliorer significativement le marché officiel du travail. Indépendamment de la provenance de l’investissement, le besoin de main d’œuvre ne se limite en effet plus seulement aux travailleurs les moins qualifiés.

À fin 2014, dans les banques du réseau Access, les effectifs atteignaient 5 500 personnes – soit une progression de 11% en seulement six mois. Les cadres de niveau senior ou intermédiaire constituent une part importante de ces salariés. Leurs fonctions requièrent de solides compétences managériales, parmi lesquelles la vision stratégique à long terme, l’efficacité dans la prise de décisions ou l’aptitude à diriger, sans oublier la capacité à motiver et faire progresser leurs équipes, prévenir et désamorcer les conflits, encourager l’innovation ou mettre en place des plans de relève adaptés.

La rapidité de notre développement n’est d’ailleurs pas une exception en Afrique subsaharienne, où la croissance économique a atteint 6,1% en 2014 – soit près du double de la moyenne mondiale, selon les chiffres du Fonds monétaire international. Cette progression a été rendue possible par la croissance des investissements, notamment dans des secteurs où les ressources humaines constituent un enjeu important – par exemple la finance. Selon l’édition 2014 du rapport sur l’investissement dans le monde (World Investment Report) de la CNUCED1, les investissements directs étrangers en Afrique ont progressé de 4% en 2013, « tout particulièrement dans les secteurs liés à la consommation, comme l’alimentation, les technologies de l’information, le tourisme, la finance et la distribution ». Contrairement aux investissements du passé, centrés sur les industries extractives, pourvoyeuses de tâches manuelles, cette réorientation exige désormais une main d’œuvre qualifiée.

Ce qui caractérise en particulier les investissements d’Access, c’est le transfert rapide des responsabilités aux équipes locales, qui contribue efficacement au développement. Très concrètement, ces équipes sont aussi souvent celles qui sont le mieux placées pour comprendre les besoins des clients locaux, et y répondre par l’établissement d’une relation commerciales pérenne. Le relatif déficit de compétences managériales constitue toutefois une difficulté, tant pour les jeunes cadres eux-mêmes que pour les institutions qui les emploient.

Même si de nombreux pays africains ont investi dans l’éducation et augmenté la proportion de leurs diplômés universitaires, un déséquilibre persiste entre ce dont les jeunes diplômés sont capables et le type de compétences attendues par les employeurs2. Selon un rapport du British Council, les taux d’inscription bruts dans l’enseignement supérieur « ont progressé presque deux fois plus vite que la moyenne mondiale »3 . Pourtant, en Afrique, seulement 7% des jeunes sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur, contre 29% dans le reste du monde4. Par ailleurs, même s’il existe de nombreux organismes publics qui financent des bourses permettant à des étudiants de poursuivre leurs études dans un pays développé, beaucoup de ces jeunes préfèrent ensuite trouver un emploi à l’étranger, et ne retournent pas dans leur pays d’origine.

Cette difficulté est particulièrement prégnante dans le secteur de la finance, où l’on constate un décalage manifeste entre les compétences pratiques des jeunes diplômés et ce que l’on attend d’eux dans leurs premières années de carrière. Ce décalage peut en partie s’expliquer par des cursus universitaires trop axés sur les savoirs théoriques et académiques, et pas assez sur le développement d’aptitudes pratiques que les dispositifs d’apprentissage permettent de mettre en œuvre.

Les défis du développement managérial

Au-delà de la simple inadéquation entre l’offre et la demande, d’autres difficultés plus subtiles se font jour en matière de RH, particulièrement en Afrique. Par retour d’expérience, on peut identifier quatre obstacles principaux au développement RH.

Tout d’abord, au niveau local, les établissements d’enseignement supérieur encouragent trop rarement la pensée critique ou le transfert d’expérience, c’est-à-dire l’appropriation d’une connaissance issue de la résolution d’un problème déjà rencontré ailleurs et par d’autres. Or ces deux aspects sont essentiels dans le développement des capacités managériales. Pour prendre un exemple, plutôt que de remettre en question des modalités de pensée qui peuvent limiter les opportunités commerciales, on accueille trop souvent les nouvelles propositions à coup de « nous n’avons jamais fait ainsi, c’est trop risqué » – ce qui, précisément, entretient une certaine appréhension du risque.

En deuxième lieu, les collaborateurs ont souvent du mal à concilier les valeurs et principes de la culture locale avec ceux qu’encourage notre réseau. Par exemple, même si l’immense majorité de nos salariés souscrirait sans hésitation à l’idée d’égalité des chances, les RH de chaque implantation ont souvent la tentation de filtrer les candidats selon le sexe, leur appartenance ethnique ou leur religion. En outre, alors que nous prônons bien évidemment la tolérance zéro à l’égard de la corruption, certains collaborateurs peuvent considérer qu’un cadeau reçu en remerciement d’un accord de crédit ne constitue pas nécessairement un acte de corruption à proprement parler.

Troisièmement, pour beaucoup de jeunes cadres, l’approche stratégique et la capacité à établir des plans ou objectifs à long terme est loin d’aller de soi. Sur le plan personnel comme dans leur travail, leur horizon prévisionnel se limite souvent à la fin du mois. Ils peuvent en outre être confrontés à d’autres difficultés lorsqu’il faut aborder de manière structurée – et dans des délais limités – la multiplicité des tâches qui leur sont demandées. Par la formation, il est toutefois possible de développer leur capacité à analyser et traiter les problèmes de façons systématique, afin d’apprendre à les résoudre plutôt que de les ignorer.

Enfin, qu’il s’agisse d’augmenter la compétitivité, de développer de nouveaux produits ou d’introduire de nouvelles technologies, il faut nécessairement appréhender le changement sous un jour positif. Or la conduite du changement et sa mise en œuvre restent des défis permanents – ce qui ne vaut pas uniquement d’ailleurs pour les pays en développement ou en transition. Ce phénomène peut s’expliquer par la gratification résultant de la satisfaction immédiate de besoins à court terme, auxquels on donne la priorité sur la mise en place d’objectifs à long terme, qui pourraient venir remettre en cause le statu quo.

L’adoption et la promotion de valeurs communes, la vision stratégique et la réflexion à long terme, ou encore l’aptitude à conduire le changement, sont des compétences clés qu’il convient de renforcer si l’on veut faire progresser les capacités de management. L’encadrement intermédiaire, lorsqu’il dispose d’une boîte à outils plus étoffée en matière de compétences managériales, peut aussi – et c’est là un aspect important – agir comme un catalyseur, par la diffusion de ces compétences à travers toute l’organisation.

Relever les défis

Pour faire face à ces défis et répondre aux besoins de ses équipes actuelles, AccessCampus propose des programmes de développement des compétences techniques et de leadership. Animés à la fois par des formateurs internes et des intervenants externes, ces cursus visent à accroître la connaissance technique de domaines tels que l’analyse financière, la planification budgétaire ou la gestion du risque. Ils sont aussi destinés à renforcer les capacités de leadership nécessaires à l’exercice des responsabilités de management, notamment la conduite du changement et la gestion de projets, la résolution de conflits, ou encore les techniques d’argumentation et de présentation.

Ces formations restent également attentives aux contraintes d’emploi du temps des jeunes cadres, avec des sessions en cours collectifs limitées et étalées sur deux ans, qui permettent néanmoins d’obtenir rapidement des réponses concrètes. Tous les modules de cours ont été développés de façon à cibler directement les problèmes rencontrés par les managers dans leur environnement de travail quotidien. Et parce que la plupart des modules sont enseignés par d’anciens cadres dirigeants, ils se fondent sur la pratique et sur des exemples concrets, dans lesquels les participants peuvent reconnaître des situations qui les concernent.
Pour assurer la poursuite des apprentissages une fois que les participants ont repris leurs fonctions habituelles, AccessCampus continue de leur attribuer certains travaux. Les participants sont aussi chargés de missions de conseil internes, qui abordent d’authentiques problèmes de management rencontrés au sein des différentes banques du réseau. Une plateforme est en outre destinée aux échanges de bonnes pratiques. Elle fournit un appui en matière de compétences managériales, pour établir une base de connaissances commune à l’ensemble du réseau.

Tous les responsables d’agences et chefs de départements du réseau Access sont éligibles à ces formations, et chaque institution choisit ses participants. Bien entendu, ce processus revient relativement cher et représente donc un investissement non négligeable pour les banques partenaires. Le programme de formation est toutefois soutenu par la Banque de développement des Pays-Bas (FMO), qui couvre en partie les frais de scolarité.

Les trois effets marquants de l’amélioration des compétences managériales

AccessCampus suit de près les progrès des participants pendant la période de formation et au-delà. Par effet induit sur les compétences collectives de leurs équipes, des cadres mieux formés contribuent de fait à l’amélioration significative de la productivité, mais aussi de l’environnement de travail. En plus des tests administrés en amont et à l’issue de chaque module, les formateurs évaluent également la participation en classe. De leur côté, les participants notent les modules et les intervenants en fonction de leur pertinence, de la qualité des supports d’enseignement et des capacités du formateur. Les nouvelles compétences sont testées à travers des devoirs à la maison, des présentations en petits groupes et un examen final. Enfin – et c’est là un aspect capital –, l’évolution comportementale des participants est mesurée par leurs responsables hiérarchiques avant, pendant et après la formation.

Ce dispositif de suivi a permis de mettre en évidence trois effets positifs. Tout d’abord, les cours sensibilisent à la nécessité d’une culture d’entreprise saine, qui respecte et défende certains principes fondamentaux : la transparence, le respect du client, la recherche de la performance, une approche responsable du crédit et de la conception des produits, l’égalité des chances et la fluidité de la communication – qui ensemble contribuent à une meilleure qualité de service pour les clients.

Ensuite, l’amélioration des compétences des managers vient consolider celles de leurs collaborateurs. On constate notamment une diminution du turnover (c’est-à-dire une plus grande stabilité des équipes), une motivation accrue des salariés (perceptibles dans les évaluations régulières du personnel) et une augmentation de la proportion de collaborateurs locaux accédant à des postes à responsabilités (cadres dirigeants).

Enfin, on observe que cette sensibilisation croissante à certaines valeurs ou principes, ainsi que la capacité à adopter une vision à long terme, gérer efficacement
les conflits ou encourager l’innovation ont des effets induits significatifs. Par ricochet, ils se diffusent non seulement aux clients de l’institution concernée, mais aussi au secteur financier dans son ensemble, contribuant ainsi au développement du secteur dans les pays où nous intervenons, en particulier sur le continent africain.

Aller plus loin dans les progrès du management

Les défis relevés par AccessCampus concernent sans aucun doute d’autres acteurs du secteur financier dans les pays en développement. Par le passé, seule une poignée d’institutions ont investi dans des programmes internes de développement personnel. D’autres ont préféré recourir à des formations estivales, ces « summer schools » proposées par des établissements universitaires et autres organismes d’enseignement. Associée à des dispositifs de bourses destinées aux jeunes cadres, l’offre éducative aide incontestablement à faire progresser les compétences managériales dans les pays en développement. En multipliant ces initiatives (et en particulier celles qui s’adressent d’abord aux cadres intermédiaires), on pourra soutenir efficacement la poursuite du développement des ressources humaines en Afrique, où les opportunités de ce type sont encore trop peu nombreuses.

Notes de bas de page :

1 Source : CNUCED, 2014  http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/wir2014_overview_en.pdf
2 http://www.africaneconomicoutlook.org/theme/youth_employment/education-skills-mismatch/
3 Source : http://www.britishcouncil.org/sites/britishcouncil.uk2/files/graduate_employability_in_ssa_final-web.pdf
4 Source: http://www.britishcouncil.org/sites/britishcouncil.uk2/files/graduate_employability_in_ssa_final-web.pdf