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L’Afrique pèse pour 15 % de la population mondiale, mais à peine pour 1,5 % du marché global de l’assurance. Plusieurs facteurs plaident néanmoins pour un essor rapide du secteur : le dynamisme économique du continent, l’émergence de classes moyennes, le développement de nouveaux modes de distribution des produits… À condition notamment d’assurer la bonne gouvernance des sociétés d’assurance, le professionnalisme de leur personnel, l’adéquation des offres aux besoins locaux, etc.

Depuis le début des années 2000, l’Afrique connaît une croissance économique entre 4 % et 7 % par an. Ce dynamisme fait du continent « la seconde région du monde en termes de croissance, après l’Asie et à égalité avec le Moyen-Orient » (McKinsey) – ce qui bénéficie évidemment au secteur de l’assurance. Pour autant, un Africain dépense en moyenne moins de 70 dollars  par an pour s’assurer, contre 1 000 dollars en Afrique du Sud et plus de 2 700 dollars en Europe de l’Ouest. Il existe, en outre, de très fortes disparités sur le continent : à l’exception de l’Afrique du Sud où le taux de pénétration atteint 14 %, le rapport primes d’assurance/produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique ne dépasse pas 1 %. Ce manque d’« engouement » pour l’assurance relève de multiples facteurs. Tout d’abord, le faible pouvoir d’achat des populations1 : avant de s’assurer, il faut pouvoir se nourrir, se loger, subvenir aux besoins de ses enfants. À cela s’ajoutent l’absence de « culture de l’assurance », la non-obligation d’assurance sur les risques de masse, l’absence d’innovation et de règles en matière de tarification, le règlement parfois aléatoire des sinistres qui entretient des représentations négatives à l’égard des assureurs, etc. Ainsi, seules les assurances obligatoires (automobile, scolarité, frais de rapatriement ou d’hospitalisation liée à l’obtention de visa, etc.) trouvent acquéreurs auprès de la population la plus aisée. Aujourd’hui, l’Afrique pèse pour à peine 1,5 % d’un marché mondial de l’assurance, qui a généré 4 778 milliards de dollars en 2014 (source : SIGMA - Swiss Re). Elle compte environ 600 compagnies actives dans 54 pays (à titre de comparaison, l’Europe en totalise près de 5 000). Les dix premiers marchés de la région concentrent plus de 90 % du chiffre d’affaires (CA), et singulièrement l’Afrique du Sud qui compte pour 75 % de ce CA2, suivi par le Maroc, l’Égypte, le Nigeria et le Kenya. Dans les autres pays du continent, l’assurance conserve une forte marge de progression. Malgré cette part limitée de l’assurance africaine sur l’échiquier mondial, de nombreux acteurs (courtiers internationaux, compagnies européennes, etc.) ont investi le secteur, attirés par sa bonne sinistralité qu’explique notamment la faible exposition des assureurs africains à des risques de pointe. Le ratio combiné est, en effet, meilleur sur le continent que sur les marchés développés (schéma ci-contre).

Acteurs "traditionnels" et nouveaux outils de distribution

Les courtiers, les compagnies d’assurances et les réassureurs sont les principaux acteurs du marché de l’assurance en Afrique. Les courtiers à vocation nationale se concentrent sur les risques de particuliers, les PME locales, ainsi que sur les risques étatiques et paraétatiques. Les risques d’entreprises sont détenus à plus de 90 % par des courtiers internationaux qui, depuis de nombreuses années, accompagnent leurs clients dans leurs investissements sur le marché africain. À cette fin, ils ont mis en place des programmes d’assurance auprès de compagnies installées sur le continent. Certaines de ces compagnies opèrent uniquement sur leur marché national. D’autres, à vocation régionale ou internationale, s’organisent de plus en plus en réseau et développent des filiales ou des partenariats dans plusieurs pays africains. Au cours des dernières années, les compagnies d’assurance organisées en réseau ont connu une croissance forte. Cette tendance va probablement s’accélérer compte tenu des contraintes imposées par le régulateur aux compagnies d’assurance en matière de fonds propres. Il est probable que le nombre de compagnies à vocation nationale s’amenuise. Celles qui résisteront devront être sur des marchés de niche avec des produits innovants. Enfin, les principaux réassureurs mondiaux sont très actifs sur le continent, aux côtés des réassureurs régionaux et nationaux. En effet, les compagnies d’assurance s’appuient sur eux pour bénéficier d’un complément de couverture, notamment sur les risques de pointe. Si le courtage reste le principal circuit de distribution des produits d’assurance, notamment pour la clientèle entreprise, d’autres se développent, à commencer par la bancassurance. En Afrique, le taux global de pénétration de l’assurance oscille autour de 2 %, mais atteint 10 à 20 % par l’intermédiaire des acteurs financiers. De plus en plus de produits d’assurance pour les particuliers sont vendus via le réseau bancaire, aussi bien par des banques commerciales que des institutions de microfinance. Les réseaux de téléphonie mobile sont également un outil efficace de distribution sur le continent, où le taux de pénétration de la téléphonie mobile dépasse les 70 %. C’est notamment via cet outil que la micro-assurance pourra atteindre les niveaux espérés (lire l’article de Frédéric Bouchet). Enfin, les assureurs investissent actuellement les réseaux sociaux comme moyen de distribution.

Entre opportunités et contraintes

Plusieurs facteurs plaident en faveur d’un essor rapide de l’assurance en Afrique, notamment sur le segment des particuliers. Au-delà du dynamisme économique du continent, son évolution démographique3, l’émergence des classes moyennes et le développement de nouveaux modes de distribution auront des effets positifs certains sur la croissance du secteur. Au niveau réglementaire, les régulateurs4 sont de plus en plus présents et directifs. Leurs interventions se concentrent notamment sur le contrôle du fonctionnement des acteurs du secteur et leur implication dans l’activité économique. Au cours de ces dernières années, ils ont imposé aux compagnies d’assurance de renforcer leurs fonds propres pour accroître la rétention des primes d’assurance sur les marchés locaux et, plus largement, sur le continent. Ils ont également édictés des règles strictes sur l’interdiction de l’assurance à l’étranger, ainsi que l’obligation du règlement comptant des primes d’assurance. Le régulateur ne se soucie plus seulement de la solvabilité de la compagnie d’assurance, mais il édicte également des règles de bonne gouvernance (qualité des dirigeants, dispositif de contrôle interne, système d’information, etc.). Ces conditions favorables à l’essor de l’assurance en Afrique sont néanmoins soumises à la levée de plusieurs défis. Au niveau des États, la stabilité politique est une condition essentielle, au même titre que la bonne gouvernance publique, notamment en matière de lutte contre la corruption et de sécurité juridique. Au niveau des sociétés d’assurance, celles-ci ont pour chantier d’améliorer leur professionnalisme, leur solvabilité et leur solidité financière. Le principal capital d’une compagnie d’assurance étant la qualité de ses ressources humaines, il convient de porter l’effort sur la formation académique et professionnelle du personnel. Les assureurs doivent également se montrer plus pédagogues et meilleures communicants s’ils veulent améliorer leur image auprès des populations5. Les compagnies faisant preuve d’une capacité d’innovation (produits et circuits de distribution nouveaux) se démarqueront certainement de concurrents.

 

1 Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, 388 millions de personnes – soit 43 % de la population d’Afrique subsaharienne - vivaient dans l’extrême pauvreté en 2012.
2 Le développement des assurances sociales par le secteur privé, l’existence d’une classe moyenne dont le nombre a triplé en dix ans, la confiance de la population dans les institutions financières proposant de l’épargne à long terme, ainsi que la demande de protection élevée en raison de la criminalité et du nombre d’accidents automobiles expliquent, en partie, ces résultats de l’Afrique du Sud.
3 L’ Afrique abrite aujourd’hui 15 % de la population mondiale, mais 25 % en 2050 et 33 % en 2100 (source : INED).
4 Les organes publics à compétence nationale ou régionale chargés de contrôler et de réglementer l’activité d’assurance dans un ou plusieurs pays.
5 Sur le continent, l’assureur est souvent considéré comme un acteur qui perçoit la prime mais paye difficilement les sinistres.

Richard Lowe

Fondateur et président directeur général
ACTIVA

Parcours

Après 17 ans chez Allianz (ex-AGF Afrique), Richard Lowe crée, en 1998, le groupe africain Activa. Président et/ou administrateur de plusieurs compagnies d’assurance, de réassurance et de banques en Afrique. il a aussi eu plusieurs mandats au sein des plus hautes instances de l’assurance africaine.

ACTIVA

Fondé en 1998, le groupe Activa est un acteur majeur du secteur des assurances en Afrique. Il possède notamment sept filiales figurant parmi les leaders sur cinq marchés du continent. Aujourd’hui, le Groupe poursuit son expansion, en s’appuyant sur le réseau Globus qu’il a fondé en 1997. Globus est un réseau non intégré d’assureurs offrant aux clients et courtiers internationaux une solution d’assurance globalisée dans plus de 40 pays africains, francophones, anglophones, arabophones ou lusophones. C’est le partenaire privilégié des principaux assureurs internationaux qui ne disposent pas de filiales en Afrique (Generali, Zurich, Ace, XL, etc.). Globus possède également une compagnie de réassurance captive, Globus Re.