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Près de deux ans après son lancement, nous revenons sur les avancées du « 2X Challenge », programme visant à accroître l’afflux des capitaux vers des initiatives du secteur privé bénéficiant aux femmes.

Lancé en 2018 lors du sommet du G7 au Canada, le 2X Challenge est né d’une question simple mais forte : les institutions de financement du développement (IFD) des pays du G7 pourront-elles, d’ici fin 2020, mobiliser collectivement 3 milliards de dollars à investir auprès des femmes ? À l’heure où nous entrons dans la dernière année de cet engagement d’origine, voici quelques résultats et certains enseignements clés du travail déjà accompli.

 

RENDRE LA FINANCE EFFICACE POUR LES FEMMES

Opportunités et participation à la vie économique sont l’un des domaines où les inégalités entre femmes et hommes sont les plus marquées à travers le monde. Dans son dernier Rapport mondial sur la parité entre les genres (Global Gender Gap Report), le Forum économique mondial indique que c’est même le seul domaine où l’écart homme-femme s’est accru. Avant d’atteindre la parité dans la sphère économique, il nous faudrait désormais patienter 257 ans1. En pratique, ces écarts signifient que les femmes sont moins présentes que les hommes sur le marché du travail, qu’elles gagnent généralement moins, se concentrent sur les postes et des secteurs où les niveaux de compétences sont moindres, et qu’elles n’ont pas autant de perspectives d’avancement ou de croissance de leurs entreprises que les hommes.

Les femmes cheffes d’entreprises sont notamment confrontées à un déficit de financement, massif et bien documenté : plus de 300 milliards de dollars, rien que pour les petites et moyennes entreprises, ce qui veut dire qu’environ 70 % des PME détenues par des femmes ne parviennent pas à obtenir les financements dont elles ont besoin2. Si l’on ajoute les microentreprises à ce calcul, l’estimation du déficit de crédit atteint 1 700 milliards de dollars3.

Comme le montre bien le chiffre de 257 années évoqué précédemment, le statu quo est exclu si nous voulons voir intervenir des changements significatifs dans la génération actuelle. Accéder à la parité des genres requiert les efforts concertés de multiples acteurs : pouvoirs publics, secteur privé, société civile. Les investisseurs peuvent eux aussi jouer un rôle clé, en choisissant d’allouer leurs capitaux à des initiatives qui contribuent à l’autonomisation économique des femmes. Le 2X Challenge constitue à cet égard notre engagement (public) à orienter la puissance de la finance vers l’égalité des genres, en investissant dans l’accès des femmes au financement, à des emplois de qualité et à des produits ou services qui leur procurent un bénéfice.

 

YES, WE CAN – ET CE N’EST QU’UN DÉBUT

Un an et demi après son lancement, nous pouvons confirmer que le 2X Challenge a réalisé des avancées significatives dans la réorientation du capital vers l’autonomisation économique des femmes. Selon nos calculs, les pays participant au 2X Challenge ont jusqu’ici engagé et mobilisé 2,47 milliards de dollars d’investissements qui bénéficieront à des femmes. En 2019, nous avons également accueilli 6 nouvelles IFD parmi nos adhérents et reçu le soutien d’une banque multilatérale de développement, faisant ainsi vivre l’initiative bien au-delà des seuls membres du G74. Pour nous aider dans la caractérisation de ce qui constitue un « bon » investissement en faveur des femmes, nous avons développé les « Critères 2X »5. Ces derniers permettent d’évaluer la contribution du bénéficiaire d’un investissement en matière d’accès des femmes à l’entrepreneuriat, à des postes de dirigeantes, à des emplois de qualité ou à des produits et services bénéficiant exclusivement, ou plus que proportionnellement, aux femmes. Un enseignement important de ces dix-huit premiers mois d’exercice, c’est l’apport extrêmement précieux des Critères 2X, non seulement à l’initiative du 2X Challenge, mais aussi au domaine de l’investissement « sexospécifique » en général. Simple mais robuste, ce cadre de travail est en effet en passe de devenir la norme vers laquelle il convient de tendre pour identifier ce que recouvre « l’investissement en faveur des femmes ». Il est adopté avec une rapidité impressionnante par les IFD et par d’autres investisseurs. Il y a donc de bonnes raisons d’être fiers du chemin parcouru. Les membres du 2X Challenge n’en reconnaissent pas moins n’être qu’aux balbutiements de ce qui peut encore être fait. À la lumière du travail accompli jusqu’ici, nous constatons que l’adhésion au 2X Challenge est plus forte dans certains secteurs (les services financiers) que dans d’autres (les énergies renouvelables). C’est une excellente nouvelle pour le comblement des écarts d’accès au financement, mais cela nous montre aussi qu’il y a encore beaucoup à faire pour l’inclusion des femmes dans des entreprises ou des secteurs où elles sont traditionnellement sous-représentées. C’est essentiel si nous voulons amener des changements profonds, et parvenir à combler le gender gap économique. À l’avenir, les IFD participantes souhaitent accroître le montant des capitaux mobilisés pour l’investissement auprès des femmes, en particulier venant du secteur privé. Nous voulons aussi développer le co-investissement entre les membres du 2X et d’autres investisseurs, qui partagent nos positions, afin d’envoyer au marché un signal fort quant au réel sérieux des investisseurs attentifs aux critères de genre. Cette démarche exigera d’approfondir les processus internes et de rendre encore plus présents ces critères dans les méthodes de construction de nos portefeuilles, dans la conduite des due diligences et la structuration des transactions, mais aussi dans l’évaluation du risque, la gestion des portefeuilles, la mesure d’impact, le suivi et la restitution.

 

SE RAPPROCHER DES ENTREPRENEURES SUR LE TERRAIN, AVEC L’INITIATIVE « 2X INVEST2IMPACT »

Autre enseignement essentiel de ces dix-huit premiers mois : la plateforme 2X Challenge est un formidable creuset pour tester de nouvelles idées et innover. L’un des postulats que nous voulions tester était que, sur nos marchés, certaines femmes entrepreneures étaient prêtes pour l’investissement en capital, sans pouvoir y accéder. En tant qu’investisseurs attentifs au prisme du genre, l’opportunité nous était offerte de nous montrer plus proactifs, et de leur tendre la main. Avec ses partenaires Opic, CDC Group, Proparco et la Mastercard Foundation, FinDev Canada a ainsi lancé en 2019 l’initiative « 2X Invest2Impact » 6, un concours s’adressant aux entreprises détenues par des femmes et prêtes pour la croissance, en Afrique de l’Est. Le concours a suscité près de 800 candidatures venues du Kenya, d’Éthiopie, d’Ouganda, de Tanzanie et du Rwanda, avec en point d’orgue la sélection de 100 lauréates – la toute première promotion d’Invest2Impact. En novembre 2019, nous avons réuni ces 100 femmes et entrepreneures inspirantes à Kigali, au Rwanda, pour fêter leur victoire et les premiers pas du programme. Tout au long de l’année 2020, et selon quatre parcours différents établis en fonction de leur activité, Invest2Impact offrira à ces entreprises un soutien innovant et personnalisé destiné à stimuler leur croissance, avec notamment la rencontre de différentes catégories d’investisseurs, une préparation à recevoir l’investissement et un appui au renforcement des capacités. Cette initiative nous a démontré les vertus d’une approche très ciblée de la construction du pipeline d’investissement, ainsi que d’un contact direct avec les femmes cheffes d’entreprises dans notre périmètre d’action. Grâce à Invest2Impact, nous bénéficions d’une expérience importante dans le soutien aux entrepreneures d’Afrique de l’Est, qui nous permettra de développer un modèle de prospection susceptible de s’appliquer à d’autres régions ou marchés. En 2020, nous comptons partager les leçons tirées de cette expérience en continuant d’apporter notre contribution à une plus grande efficacité de la finance pour les femmes.



ET ENSUITE ?

Au moment d’entrer dans la troisième et dernière année de notre engagement commun en faveur de l’autonomisation économique des femmes, il apparaît comme une évidence que nous devons nous montrer encore plus ambitieux, relever d’autres défis et accélérer le rythme de nos efforts, pour attirer des quantités de capitaux inédites au profit de l’égalité des genres. J’ai la conviction que les partenariats sont indispensables à l’adhésion de nouveaux investisseurs aux enjeux de notre démarche et à notre vision. Avec davantage de partenaires, le 2X Challenge pourra viser plus loin, être plus audacieux et plus innovant dans les façons de lutter contre les inégalités de genre. Nous ne détenons pas toutes les réponses, mais grâce aux partenariats, nous pourrons prendre davantage de risques et inventer de nouvelles voies pour l’activité économique. Seul le partenariat rend possible la disruption du business as usual, et l’introduction des changements indispensables pour mettre fin à ces inégalités. 2020 est certes la dernière année de l’engagement initial mais, à bien des égards, elle est aussi un commencement. Le mouvement amorcé par le 2X Challenge incite désormais d’autres investisseurs à confier davantage de capitaux à des femmes. Si nous voulons atteindre les objectifs du Programme 2030 des Nations Unies, il nous faut accélérer encore le rythme de ces avancées en matière d’égalité des genres – parce que les femmes sont absolument essentielles aux perspectives du développement durable.  

 

1  Forum économique mondial, The Global Gender Gap Report 2020. Pour plus d’information : http://bit.ly/36TsP8F
2  Banque mondiale, Women-owned SMEs: a business opportunity for financial institutions – a market and credit gap assessment and IFC’s portfolio gender baseline (« Détention des PME par les femmes : une opportunité pour les institutions financières – évaluation du marché et des lacunes en matière de crédit, et proportion des femmes dans le portefeuille de l’IFC »), 2017. Pour plus d’information : http://bit.ly/2ReT6HT
3  International Finance Corporation (IFC), MSME Finance Gap. Assessment of the shortfalls and opportunities in financing micro, small and medium enterprises in emerging markets (« Déficit de crédit aux PME et microentreprises. Évaluation des lacunes et opportunités pour le financement aux petites, moyennes et micro entreprises de marchés émergents »), 2017. Pour plus d’information : http://bit.ly/2QR48Eg
4  Les membres fondateurs du 2X Challenge sont CDC Group (Royaume-Uni), CDP (Italie), DEG (Allemagne), JBIC et JICA (Japon), FinDev Canada, OPIC (États-Unis) et PROPARCO (France). Ils ont été rejoints en 2019 par Bio-Invest (Belgique), Finnfund (Finlande), FMO (Pays-Bas), IFU (Danemark), SIFEM (Suisse) et Swedfund (Suède). En octobre, c’est la Banque européenne de d’investissement (BEI) qui a adopté à son tour les critères de l’initiative 2X Challenge.
5  https://www.2xchallenge.org/criteria 6 https://invest2impact.africa/

Anne-Marie Levesque

Présidente du groupe de travail du 2XChallenge et responsable de l’égalité des genres
FinDev Canada

Parcours

Anne-Marie Lévesque est la présidente du groupe de travail du 2X Challenge et la responsable de l’égalité des genres chez FinDev Canada, l’institution canadienne de financement du développement.

FinDev Canada

Finedev Canada est une institution financière qui soutient la croissance inclusive et la durabilité des entreprises du secteur privé dans les marchés en développement.

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