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Entreprise de sous-traitance aéronautique marocaine, le SERMP subit, comme l’ensemble du secteur, les répercussions économiques de la crise de la Covid-19. À la fois pour participer à l’effort national et pour diversifier ses activités, la SERMP s’est lancée avec succès dans la production de respirateurs artificiels, au sein d’un regroupement d’entreprises aux compétences complémentaires. L’entreprise réfléchit désormais à développer ses activités dans le domaine médical.

La Société d’étude et de réalisations mécaniques de précision (SERMP) réalise pour des avionneurs, des motoristes et des équipementiers des pièces et des ensembles mécaniques aéronautiques. En forte croissance depuis sa création il y a 20 ans, la SERMP a plus que doublé ses installations industrielles, faisant preuve du même dynamisme que sa maison mère, Le Piston français – présente sur six sites en France et en Pologne, et employant environ 700 personnes.

Avec un chiffre d’affaires multiplié par 1,6 depuis 2012, le groupe profitait alors de la bonne santé de l’industrie aéronautique ; avec une hausse annuelle du trafic de l’ordre de 6 % par an1, la demande des avionneurs, principaux donneurs d’ordre du groupe, était soutenue. Les investissements, réalisés à la fois pour accroitre la capacité de production et pour innover (en particulier en matière environnementale, pour réduire l’impact carbone des moteurs, par exemple), étaient importants.

Mais la crise de la Covid-19 est venue bouleverser cette dynamique.

PRODUIRE LOCALEMENT POUR RÉPONDRE À L’URGENCE DES BESOINS

Les scénarios les plus optimistes tablent désormais sur un délai de trois ans pour retrouver le niveau de trafic de 2019. Par ailleurs, la demande d’avions devrait baisser d’environ 50 % dans les cinq années à venir2, entrainant une profonde recomposition du secteur aéronautique. C’est toute une chaine de valeur, dont de nombreuses PME/ETI, qui est touchée.

Dans ce contexte, la SERMP a souhaité relever un double défi : répondre à l’urgence de la situation en participant à l’effort national de lutte contre la pandémie, et reconfigurer sa stratégie pour faire face à la crise.

Selon la Banque mondiale, la réponse des autorités marocaines fut « rapide et décisive »3. Bien que la première récession du pays depuis 1995 se profile (-5,8 %4 attendus), de nombreuses mesures ont été mises en place pour soutenir à la fois les activités fragilisées par la crise et les personnes en situation de précarité, et mobiliser l’industrie marocaine pour contribuer à la lutte contre la Covid-19. De nombreux projets ont vu le jour pour produire localement les produits de protection : gel hydro-alcoolique, visières de protection, masques… Il s’agissait de répondre à la demande locale sans accentuer les tensions croissantes sur les chaines d’approvisionnements mondiales.

C’est dans ce contexte que la SERMP, Aviarail (société d’engineering) et d’autres partenaires de l’industrie aéronautique, sous la direction du ministère de l’Industrie et coordonné par le Gimas5, ont décidé de produire un respirateur artificiel « Made in Morocco ». Une idée devenue un projet industriel collaboratif autour duquel se sont fédérés une quinzaine d’entreprises ainsi que des chercheurs, des universitaires et des médecins.

Il fallait développer et produire des respirateurs en un temps court – la première version a été conçue en une semaine, et six semaines de plus ont permis la réalisation de la quatrième version – tout en fabricant l’ensemble des pièces et en se fournissant en composants localement, compte tenu de la fermeture des frontières et des tensions mondiales sur l’approvisionnement de ces produits.

RÉUNIR LES COMPÉTENCES : CLÉ DU SUCCÈS

Pour atteindre cet ambitieux objectif, il a été nécessaire de constituer une équipe pluridisciplinaire, capable d’apprendre rapidement et efficacement à fabriquer un équipement médical. Les rôles des différents intervenants ont été soigneusement  définis.

La SERMP s’est chargée de la gestion du projet, du design du mécanisme à l’assemblage final du respirateur et à la réalisation des contrôles et des tests, en passant par la production des pièces (en interne et en s’appuyant sur deux autres usineurs, UMPM et Halmes). Aviarail s’est chargée de l’ingénierie électronique (conception et design de la carte electronique) et du développement logiciel, en partenariat avec Tronico. Crouzet a travaillé sur le schéma pneumatique et a développé le moteur du respirateur, Valtronic a fabriqué les cartes électroniques, OB électronique a travaillé sur le câblage et Efoa s’est chargé de la production de l’habillage, des emballages et du traitement antibactérien des pièces mécaniques. Enfin, les centres techniques Cetim, Cerimme et Cetiev ont pris la responsabilité d’homologuer ces respirateurs afin d’obtenir les certifications et les qualifications aux normes « CE Médical ».

RÉINVENTER LA STRATÉGIE

D’un projet visant à répondre à une urgence à une opportunité de diversification, le médical et le biomédical pourraient devenir une branche d’activité pérenne pour la SERMP. D’autant plus que le carnet de commandes dans l’aéronautique est fortement impacté par la crise et que la diversification devient une obligation pour la survie de beaucoup d’entreprises. L’expérience marocaine a d’ailleurs fait des émules et d’autres filiales du groupe Le Piston français réfléchissent à une telle diversification.

Afin de pérenniser cette production de respirateurs 100 % marocains et d’envisager l’avenir à plus long terme, la SERMP a d’ailleurs contribué à la création d’un « cluster » MMI – Moroccan Medical Biomedical Industry – afin de lancer des projets industriels collaboratifs et innovants dans le domaine médical et de développer cette industrie au Maroc.

1    https://theconversation.com/trafi     (consulté le 05/09/20)
2    https://www.latribune.fr/entreprises-fi
croissance-d-avant-crise-844872.html (consulté le 05/09/20)
3    http://documents1.worldbank.org/curated/en/597241594813779418/pdf/Morocco-Economic-Monitor.pdf (consulté le 05/09/20)
4    http://pubdocs.worldbank.org/en/954841597690094449/Note-Strate%CC%81gique-conjointe.pdf (consulté le 16/09/20).
5    Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, organisme interprofessionnel rassemblant 97 % de la chaîne logistique aéronautique  marocaine.