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En tant que PME impliquée dans la production de cacao, Kaoka observe les effets destructeurs d’une logique agricole peu soucieuse des écosystèmes où elle s’applique. En mettant en place des filières bioéquitables de production, l’entreprise participe à la diversification des variétés de cacao produites, encourage concrètement l’agroforesterie durable et permet aux populations locales de vivre de leurs cultures – tout en luttant contre la déforestation et en appuyant la rénovation des écosystèmes.

Feux de forêts incontrôlés en Amazonie péruvienne, effets dévastateurs sur les sols et sur la biodiversité de la production intensive de bananes en Équateur, zones de production cacaoyères abandonnées après plusieurs années de sécheresse à Sao Tomé… Partout nous sommes témoins de l’urgence environnementale qui, à terme, impactera inévitablement notre modèle économique. Les acteurs de la filière cacao portent eux aussi une responsabilité dans cette situation. Le développement de la filière au cours des dernières décennies, notamment en Afrique de l’Ouest, s’est faite selon une logique de « fronts pionniers », entraînant une déforestation massive et une érosion considérable de la biodiversité dans cette région du monde. Face à cette situation, Kaoka a décidé de s’engager sur plusieurs fronts, à son échelle de PME française, pour préserver les écosystèmes et les ressources naturelles concernés par son activité. Il s’agit de participer à la restauration de la biodiversité du cacao, des sols, de l’écosystème au sein de la plantation et des paysages.

 

PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ DES VARIÉTÉS

Depuis 1993, Kaoka a développé ses approvisionnements1 en Équateur, au Pérou, en République dominicaine et à Sao Tomé auprès d’exploitants familiaux regroupés en coopératives de producteurs en agriculture biologique. Ce modèle d’agriculture est souvent vu de façon « folklorique » et stéréotypée, et serait en soi un système socialement et écologiquement vertueux. La réalité est toute autre : s’il n’est pas encadré et accompagné, ce modèle familial peut aussi être vecteur de désastres écologiques (la déforestation sur les fronts pionniers en Afrique de l’Ouest en est un bon exemple) et sociaux (comment survivre avec une cacaoculture familiale très peu productive ?). La culture, extensive et peu productive, du cacao « Nacional »2, se traduit ainsi clairement en Amérique du Sud par l’abandon par les producteurs des variétés natives de cacao au profit de la variété hybride CCN51, entraînant une perte de diversité génétique inquiétante. Loin d’opposer intensification de la production et agriculture familiale, Kaoka s’est au contraire employé à mettre en place dès les années 2000 des techniques de rénovation3 des plantations de cacao en sélectionnant avec des producteurs des variétés natives de cacao alliant des qualités aromatiques et de résistance aux maladies4. Grâce à ce travail de longue haleine, les producteurs qui s’engagent dans la rénovation de leurs plantations voient leurs rendements multipliés par un facteur de 4 à 6 et se détournent ainsi de la conversion vers le CCN51. C’est en garantissant de meilleurs revenus pour les producteurs que Kaoka participe donc à préserver le patrimoine génétique du cacao « Nacional ».

 

UNE AGROFORESTERIE DURABLE

Cette intensification de la production permet également à la cacaoculture d’être une source de revenus compétitive face à la tentation de continuer sur une logique de culture extensive sur des fronts pionniers, entraînant la destruction des zones forestières. Ainsi, en 2014-2016, Kaoka s’est engagé à Sao Tomé auprès de la Coopérative d’exportation de cacao bio (Cecab), du Fond international de développement agricole (FIDA) et du Fond mondial pour l’environnement (GEF) dans un programme de rénovation des plantations de cacao pour générer des revenus alternatifs à la chasse, à la production de charbon et à la déforestation illégale au sein du Parc national Obo, dont les impacts ont été salués par ces institutions partenaires5. La promotion de l’agroforesterie est également un axe important de l’action en faveur du maintien d’une biodiversité au sein des plantations. Depuis 2019, Kaoka appuie un programme de reconversion de 150 hectares de cacao sans ombrage en systèmes agroforestiers. Là encore, il faut concilier l’intérêt économique du producteur (générer des revenus additionnels par la production de fruits et de bois, maintenir la fertilité des sols) et la préservation de la biodiversité au sein de la parcelle. Au-delà de l’impact reconnu des systèmes agroforestiers pour renforcer la diversité de la faune et de la flore (Noble et Dirzo, 1997 ; Rolim et Chiarello, 2004), Kaoka mène actuellement des travaux en partenariat avec l’ONG Sallqa et Bioversity pour étudier leur rôle dans la connectivité éco-paysagère6. L’ « approche paysage »7 est d’ailleurs devenue primordiale pour Kaoka, car l’entreprise a pris progressivement conscience de l’impact que pouvait avoir l’évolution de l’environnement des plantations sur l’activité économique et productive de ses partenaires. Dès 2021, va d’ailleurs être mis en œuvre un programme régional intitulé « Promouvoir des opportunités durables dans la chaîne de valeur du cacao d’excellence »8 (soutenu par le Fonds français pour l’environnement mondial – FFEM –, en partenariat avec le CIAT, le World Agroforestry et l’ONG Conservation International), pour mettre en place des plans de conservation et préserver les ressources naturelles dans les régions de production où intervient Kaoka. Les enseignements de ce projet contribueront aux travaux menés dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI)9.

 

L’INDISPENSABLE APPUI DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

Si l’entreprise est volontaire pour s’engager sur le terrain dans des actions visant à préserver les écosystèmes et la biodiversité, Kaoka est également consciente des limites de son action et des risques liés à des pratiques ou à des dynamiques antagonistes. En Équateur, par exemple, elle constate les effets dévastateurs de l’environnement agro-industriel dans certaines zones de production. L’utilisation massive de pesticides dans les plantations de bananes impacte par exemple directement les populations de polinisateurs, limitant ainsi les rendements du cacao. Dans certains cas, comme au Pérou, la pression foncière et le refus des autorités locales ont empêché la mise en place d’un plan de conservation d’un écosystème particulièrement riche en biodiversité10 proposé par Kaoka en partenariat avec la coopérative Colpa de Loros. Ces exemples démontrent qu’il est indispensable que l’action du secteur privé puisse être encadrée et soutenue par la puissance publique et que les États doivent mener des politiques publiques favorisant les pratiques agricoles durables en intégrant les enjeux environnementaux au cœur des politiques d’aménagement du territoire. La préservation de la biodiversité est un enjeu primordial, fortement corrélé aux enjeux de lutte contre la déforestation et de changement climatique. Ces dernières années, le secteur privé a fortement intégré ces préoccupations dans son discours, au travers notamment des politiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). À grands renforts de campagne de communication, la préservation de l’environnement est hélas devenue avant tout un faire-valoir pour de nombreux grands groupes.

Pour les PME innovantes dans le montage de filières bio-équitables, il n’est pas toujours simple de faire connaître ses actions en faveur de la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, et donc d’en tirer une plus-value commerciale.

 

CONCLUSION

Kaoka poursuit ses efforts de mise en œuvre de programmes de rénovation des sols et des écosystèmes, notamment en Amazonie. Nous avons observé en effet que la préservation des paysages est une condition indispensable à la résilience des systèmes de production. L’agroforesterie et la fertilité des sols sont la clé des rendements des producteurs. En assurant une agriculture bio productive, nous luttons contre l’exode rural et l’abandon de la culture du cacao par les nouvelles générations. Et au-delà de notre volonté d’assurer le développement de notre entreprise, nous sommes convaincus qu’il est urgent (et possible) d’agir pour préserver la biodiversité et les ressources naturelles.  

  1. En 2020, Kaoka va importer environ 5 000 tonnes de cacao bio-équitable, soit entre 6 et 8 % du cacao bio importé en Europe.
  2. Le « Nacional », également nommé « arriba », est un cultivar de Il est cultivé initialement en Équateur, pays où il a été mis au point, au pied de la cordillère des Andes, puis sa culture s’est étendue aux autres pays amazoniens (source : Wikipédia, « Nacional (cacao) »).
  3. Ces techniques de rénovation consistent généralement à greffer les arbres improductifs avec des variétés aromatiques, sélectionnées localement, et à redensifier les plantations avec des jeunes plants greffés.
  4. Et plus récemment, de résilience au changement climatique.
  5. Voir https://www.youtube.com/watch?v=LH0zveHAQ2w.
  6. Il s’agit de la continuité écologique qui existe entre différents biotopes et paysages – s’opposant ainsi à la fragmentation des écosystèmes.
  7. L’approche paysage vise à fournir des outils et des concepts pour la gestion des terres, afin d’atteindre des objectifs sociaux, économiques et environnementaux au sein de Le paysage est « lu » et analysé avant de faire l’objet de propositions d’aménagement.
  8. En Colombie, en Équateur et au Pérou.
  9. Voir https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.14_SNDI_0.pdf
  10. Il s’agit d’une « collpa » amazonienne, écosystème caractérisé par un affleurement de sels minéraux où les animaux (notamment les oiseaux) viennent se regrouper.

Guy Deberdt

Directeur général
Kaoka

Parcours

Guy Deberdt a repris la direction de l’entreprise (en binôme avec sa soeur Maria Deberdt) en 2012 à la suite d’André Deberdt, fondateur de Kaoka, acteur pionnier et engagé autour du développement de la production agricole bio et équitable.

Sébastien Balmisse

Directeur filières et qualité
Kaoka

Parcours

Après un parcours international qui l’a conduit à s’impliquer dans des projets de développement rural, Sébastien Balmisse rencontre l’entreprise Kaoka en 2010 à Sao Tomé, alors qu’il travaille sur un projet de relance de filières agricoles soutenu par l’Agence française de développement (AFD). Il assure depuis 2013 la coordination des programmes cacao de Kaoka.

Kaoka

Depuis sa création en 1993 par André Deberdt, pionnier de l’agriculture biologique en France, Kaoka commercialise exclusivement des produits biologiques et équitables. Le modèle économique de l’entreprise repose sur le développement de filières et la mise en place de partenariats étroits avec les producteurs de cacao, qui l’amène à observer in situ, auprès des producteurs, les effets du changement climatique et de la dégradation de leur environnement.