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Par définition, l’adaptation est la réponse apportée à un choc – en l’occurrence climatique. Mais si cette thématique n’est pas identifiée et prise en compte dans la logique d’affaires ou dans les procédures de l’acteur privé, il y a peu de chance qu’un indicateur consacré à l’adaptation climatique existe par hasard. Pourtant, cet outil devient indispensable. Il est de plus en plus utilisé par la finance privée pour mesurer l’adaptation climatique, en particulier à la demande des bailleurs de fonds.

 

Si le client vient solliciter un bailleur pour un projet déjà abouti mais aveugle aux chocs climatiques, il n’est pas évident qu’il puisse le faire évoluer suffisamment pour le rendre éligible à la catégorie « finance de l’adaptation ». La création et la mise en place d’indicateurs permettant de prendre en compte la nécessaire adaptation au changement climatique sont donc particulièrement importantes pour les porteurs de projets qui cherchent des financements privés. La définition de ces « indicateurs adaptation » pose d’ailleurs plusieurs problèmes récurrents, dont il faut tenir compte.

Ces indicateurs sont tout d’abord spécifiques à un contexte climatique et social donné. Ainsi, un indicateur pertinent pour un projet ne l’est pas nécessairement pour un autre, apparemment identique, mais qui s’inscrit dans un contexte climatique différent. Réduire la consommation d’eau dans un pays qui n’en manque pas n’est pas un projet d’adaptation : l’investissement ne répond à aucun risque climatique. La mesure de l’économie d’eau peut donc être un indicateur de résultat pertinent en matière d’adaptation climatique – ou pas… Du fait de cette variabilité, il est difficile de l’utiliser uniformément à l’échelle d’un portefeuille.

Il en va de même pour l’agrégation trans-sectorielle, qui est compliquée à appliquer au niveau d’un portefeuille : des mètres cubes d’eau économisés en Namibie ne peuvent pas être rapportés tels quels à des hectares plantés de cultures résilientes au changement climatique. On peut se trouver ainsi à devoir utiliser un « indicateur agrégeable dérivé », pour permettre une analyse complète à l’échelle d’un portefeuille. Cet indicateur dérivé peut être, par exemple, une catégorie de personnes ou d’entités (les bénéficiaires de services plus résilients), ou une monétisation financière ou économique. Ainsi, des mètres cubes d’eau peuvent être convertis en valeur via un prix fictif (shadow price), ce qui autorise la mise en place d’une agrégation trans-sectorielle.

La création et la mise en place d’indicateurs permettant de prendre en compte la nécessaire adaptation au changement climatique sont particulièrement importantes pour les porteurs de projets qui cherchent des financements privés.

Dans l’absolu, il n’est pas difficile de trouver des indicateurs d’adaptation pertinents ; ils s’accommodent fort bien, en effet, des approches classiques de « cadre logique ». Cependant, les résultats ou les impacts liés à ces indicateurs ne sont pas toujours vérifiables, du fait du caractère imprévisible des stress climatiques considérés : tant que la sécheresse ne se produit pas, on ne peut pas confirmer la performance du projet. Les indicateurs restent donc une solution hybride, à mi-chemin entre le produit et le résultat.

 

Lever les obstacles au financement privé

L’adaptation est plus facilement portée par le secteur public. Pourtant, il s’agit de nuancer une idée récurrente qui voudrait qu’elle n’est pas faite pour le secteur privé. S’il est vrai que les banques de développement peinent à générer de la « finance adaptation » via le secteur privé – en particulier du fait de la spécificité de ses indicateurs de comptabilisation –, d’autres facteurs expliquent cette situation. La temporalité propre des cycles d’affaires entre les financeurs d’un côté et les clients privés de l’autre est un des obstacles à son développement. Les porteurs de projets et leurs soutiens proposent souvent aux banques des dossiers déjà assez détaillés. Si les « risques et opportunités climat » n’y ont pas été intégrés, les banques n’ont pas toujours la possibilité de proposer des évolutions « acceptables pour le client » pour des projets qui sont déjà très construits. Des « opportunités adaptation » ne peuvent donc être saisies, bien que la qualité du projet aurait pu en bénéficier. Le sujet doit donc être abordé le plus en amont possible avec le client.

On le comprend bien, ce n’est pas la nature privée des acteurs en présence qui est ici le point de blocage, mais plutôt la méconnaissance des « risques et opportunités climat » et des financements qui y sont liés. Si un client s’est par exemple uniquement conformé à l’Eurocode (code européen de conception et de calcul des ouvrages) pour dimensionner son infrastructure, il n’aura pas pris en compte les effets du changement climatique attendus dans les 20 prochaines années, mais seulement le climat moyen des 30 dernières années. S’il n’applique pas des processus internes plus exigeants que la norme existante, le projet en recherche de financement pourrait n’avoir aucune dimension de résilience climatique, voire être mal adapté.

Dans l’absolu, il n’est pas difficile de trouver des indicateurs d’adaptation pertinents. […] Cependant, les résultats ou les impacts liés à ces indicateurs ne sont pas toujours vérifiables, du fait du caractère imprévisible des stress climatiques considérés.

Par ailleurs, la plupart des acteurs du développement considèrent l’adaptation uniquement en termes de réponse à des risques climatiques. Or, la définition du GIEC ne réduit pas l’adaptation à la « gestion des problèmes » ; elle encourage aussi « à saisir les opportunités liées au changement climatique ». Ainsi, si chercher les risques climatiques dans les projets du secteur privé est bien entendu une approche pertinente, elle doit être complétée par une logique de saisie d’opportunité : en quoi les réponses apportées pour réduire la vulnérabilité climatique des tiers peuvent-elles aussi s’inscrire dans une logique d’affaires ?